Le ministre allemand de la Défense veut en finir avec la conscription. Si, depuis la chute du mur, de nombreux pays européens – dont la France - ont supprimé le service militaire, 18 pays européens le maintiennent encore en vigueur. En Allemagne la plupart des conscrits préfèrent un service civil.
Principale puissance militaire européenne avec le Royaume-Uni et la France, l’Allemagne reste divisée quant à l'utilisation de la force armée. Alors que la polémique sur l’engagement de la Bundeswehr dans le conflit afghan avait poussé à la démission, en avril dernier, le Président de la République fédérale, Horst Köhler, le ministre de la Défense, Karl-Theodor zu Guttenberg, a proposé, fin août, la fin du service militaire.
Décision politique et non géopolitique
Plus précisément, il ne demande pas sa suppression mais sa « suspension ». « Qui peut prévoir ce que sera la situation dans 20 ou 30 ans ? » explique ainsi le ministre. Derrière cette prudence géopolitique, se cache surtout une prudence politique. La proposition de Guttenberg est loin de faire l'unanimité dans les rangs de son parti, les conservateurs de la CDU. Certains à l'instar d'Ernst-Reinhard Beck, responsable chrétien-démocrate à la Commission pour les affaires de sécurité, défend le maintien du service militaire obligatoire permettant « à chaque citoyen de défendre sa patrie ».
Une suppression pure et simple demanderait un changement de la Constitution allemande, nécessitant une majorité des deux-tiers du Parlement, ce qui, du fait de ces divisions, est loin d'être acquis. En ne proposant que sa suspension – qui ne nécessite qu’un vote à majorité simple – le ministre, ainsi que la Chancelière Angela Merkel, voudraient éviter à tout prix que le débat s'enlise et engendre des guerres internes au sein de la CDU.
Les fantassins coûtent trop cher !
Si l'Allemagne se pose aujourd'hui la question de l'utilité de conserver la conscription, beaucoup de pays européens y ont déjà répondu, le plus souvent en votant sa suspression: Belgique en 1994, France en 1995, Espagne en 2001, Italie en 2006, Pologne en 2007. Dernière supression en date, celle de la Suède qui a pris effet le 1er juillet 2010. En Europe occidentale, seules la Suisse, l'Autriche, la Grèce, le Danemark et la Finlande maintiennent une conscription n’impliquant, au maximum, que quelques mois « de régiment ». Ce changement d'attitude va de pair avec la fin de la Guerre froide et des menaces directes sur les pays européens, d'où l'inutilité d'entretenir des armées avec pléthore de soldats.
Dans l'optique de la guerre du XXIème siècle, les Etats-Majors cherchent plutôt à développer les capacités de projections de troupes sur de lointains théâtres d'opération et l'entrainement de troupes spécialisées, très aguerries.
La réforme proposée par Karl-Theodor zu Guttenberg permettrait ainsi de substantielles économies budgétaires, la fin du service militaire permettant de limiter les effectifs de l'armée allemande à 165 000 hommes contre 252 000 aujourd’hui. Le leitmotiv pourrait être « moins d'hommes mais plus efficaces et mieux équipés ». Cela s'inscrit dans le plan gouvernemental d'économies de 8,3 milliards d'euros sur 4 ans que le ministère de la Défense doit réaliser (80 milliards pour l'ensemble des institutions).
Une mobilisation difficile
En cas de professionnalisation, un des défis majeurs de la Bundeswehr sera celui du recrutement. Faute d’avoir su promouvoir le métier de militaire, l’Espagne n’a pu remplir ses objectifs en termes d’effectifs alors même que certains ressortissants sud-américains et africains peuvent s'engager dans son armée.
Mais en Allemagne, la fin du service militaire menace aussi le « service civil ». Créé pour offrir une alternative aux jeunes Allemands qui ne désiraient pas servir dans la Bundeswehr (seulement 16% d'une classe d'âge optent pour l'armée), il permet à de nombreuses structures sociales ou associatives de fonctionner, fournissant une main d'œuvre bon marché. En cas de disparition du « service civil » avec le service militaire, certains ont peur que la viabilité de bon nombre d’association soit remise en cause.
Effectifs des principales armées européennes (militaires d’active) en 2008 :
*) France: 250 000 (+ 100 000 gendarmes)
*) Allemagne: 247 000 (conscription)
*) Royaume-Uni: 240 000
*) Italie : 187 000
*) Grèce : 177 000 (conscription)
*) Espagne: 144 000
*) Pologne : 100 000
*) Roumanie : 90 000
Engagez-vous, rengagez-vous !
En France, la promotion de l’armée de métier a profondément évolué au fil des années. L’armée française s’attache à ne pas mettre en avant l'aspect purement guerrier du métier des armes, mais préfère souligner la protection des populations, la notion de professionnalisme et d'aventure. En témoigne l’évolution de ses spots publicitaires: