La France a été remise hier sous surveillance par la Commission européenne pour sa gestion de la communauté Roms après les nouvelles expulsions décidées par le ministère de l'intérieur. Il y a deux ans, le gouvernement Sarkozy avait déjà été stigmatisé pour des évacuations musclées de camp Roms. D'autres pays européens ne font cependant guère mieux. Mais généralement plus discrètement.
Le démantèlement de deux campements de Roms dans la région de Lille ainsi que la renconduite en Roumanie de plusieurs dizaines de Roms roumains bénéficiant de l'aide humanitaire au retour émeut de nouveau Bruxelles.
la Commission européenne a ainsi remis hier la France sous surveillance pour sa gestion de la communauté rom. Selon un reponsable européen, il s'agit d'"une mise à l’épreuve des nouvelles autorités françaises".
Ces faits rappellent directement l'émoi soulevé il y a deux ans par les expulsions musclées de Roms décidées alors par le ministre de l'intérieur de Nicolas Sarkozy, Claude Guéant. L'actuel président de la république avait fermement désapprouvé ces décisions.
Au cours de l'été 2010, on se souvient que les Nations-Unies, la Commission européenne, le Conseil de l'Europe, et même le Vatican, avaient unanimement critiqué les expulsions à répétition de Roms en France. Des mesures également sévèrement critquées par les autres pays européens.
Jeu de dupes
Nombre de pays ont cependant, eux aussi, eu recours aux expulsions de Roms.
La Suède a renvoyé une cinquantaine de Roms vers la Roumanie en 2010 pour mendicité, même si cette pratique n'est pas interdite par la législation suédoise. La police motive ses actions en mettant en avant la loi sur les étrangers stipulant qu’une personne soupçonnée ne pouvant pas subvenir à ses besoins « de façon honnête » peut être expulsée.
En 2001, c'était le Royaume-Uni qui avait défrayé la chronique. Faisant face à une augmentation des demandes d'asile de Roms en provenance de République tchèque, les autorités britanniques avaient envoyé ses douaniers à l'aéroport de Prague pour questionner les voyageurs à destination de Londres.Ils avaient ainsi empêché à plusieurs Roms de prendre l'avion. Cette méthode avait provoqué l'indignation de l'opinion publique tchèque et des représentants de la communauté roms.
Quant au Portugal, la commune de de Beja (province d'Alentejo) a pris l'initiative de construire un mûr entre le quartier roms et le reste de la ville. Malgré une plainte de l'European Roma Rights Center auprès du Conseil de l'Europe, le mûr est toujours debout, la municipalité ne consentant qu'à des « aménagements ».
L'Allemagne, de son côté, a renvoyé pas moins de 10 000 Roms vers le Kosovo depuis l'indépendance de ce dernier en 2008, sans que cela ne soulève de polémique en Europe.
La France comme l'Italie
Pour se justifier, la France s'était appuyée en 2010 sur l'article 45 du Traité de Lisbonne, autorisant les expulsions de ressortissants communautaires « justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique ».
Mais en faisant l'amalgame entre Roms et délinquance, la France rendait ses mesures d’expulsions collectives indéfendables et rappelait, par la stigmatisation de cette communauté nomade, les mesures prises par l'Italie en 2007 et 2008 par les gouvernements Prodi et Berlusconi.
Le premier avait promulgué un décret-loi permettant d'expulser plus facilement des ressortissants de l'Union européenne, en réaction à une vague anti-Roms dans le pays suite au viol et à l'assassinat d'une Italienne par un Tzigane roumain. Quant au second, il avait décidé le fichage de l'ensemble des populations « nomades » au nom de leur intégration. Ces mesures avaient provoqué un vif débat en Europe, dégradant l'image de l'Italie et créant des tensions entre Rome et Bucarest.
Le maquis des aides
Les Roms sont la plus grande minorité d'Europe, avec environ 10 millions de personnes. Conscientes du problème depuis longtemps, les institutions européennes cherchent à développer leur intégration via de nombreux programmes d'aides souvent indirectes (Fonds social européen, Fonds régionaux, etc). Au total, 13,3 milliards d'euros sont alloués de 2007 à 2013 pour l'intégration des Roms et autres populations « vulnérables ». En bénéficient principalement, la Roumanie, la Tchéquie, la Slovaquie, la Pologne et l’Espagne. Mais l’essentiel de ces crédits n’ont toujours pas été dépensés, ou mal dépensés, faute de projets fiables. Bruxelles en est réduit à lancer deux études pour tenter d’identifier les programmes, les projets et les politiques d'intégration qui ont abouti !