« Une honte ! » s’est exclamée mardi la Commissaire européenne à la justice à propos de la circulaire du gouvernement français ciblant les Roms pour les expulsions. Viviane Reding va demander l’ouverture d’une procédure d’infraction contre Paris pour violation du droit européen. Les 27 commissaires devront s’entendre sur une « mise en demeure » qui pourrait déboucher sur des sanctions.
Longtemps hésitante sur l'attitude à adopter concernant les expulsions de Roms bulgares et roumains décidées par la France, la Commission européenne vient de trancher: elle part en guerre contre la France. C'est la Commissaire en charge de la Justice, la luxembourgeoise Viviane Reding qui l'a déclaré elle-même lors d'une conférence de presse à la mi-journée.
La publication dans la presse française d'une circulaire ministérielle du 5 août 2010, ciblant explicitement les Roms a été l'élément déclencheur. « Ce document est une honte ! » s’est exclamée Viviane Reding, regrettant la situation et l'attitude des autorités françaises qui ont manqué de franchise depuis le début de l'affaire. Et d’ajouter:
« ma patience a des limites: trop c'est trop » (« my patience is wearing thin: enough is enough »).
Deux motifs de poursuite
Deux procédures vont être lancées :
La première concernera le non respect des garanties légales prévues par les textes européens lors d'expulsions (examen au cas par cas des situations, possibilité d'appel, etc).
La seconde portera sur le caractère discriminatoire des actions de la France puisque qu’elles ciblent explicitement les Roms.
Première étape, un accord au sein du collège des Commissaires (27) pour poursuivre la France qui doit être décidé par consensus entre les membres. Il est fort possible que le commissaire français, Michel Barnier (en charge du marché intérieur et services) se range à l'avis de ses homologues, ne pouvant à lui seul faire barrage. En effet, selon les textes européens, sa fonction n'est pas de représenter les intérêts de la France, mais de garantir l'application des Traités en toute indépendance.
Une fois l'accord conclu, la Commission notifiera une « mise en demeure » au gouvernement français. Si ce dernier ne modifie pas sa politique dans les deux mois, un avis motivé suivra, donnant deux nouveaux mois à la France pour se conformer aux injonctions de la Commission européenne.
Dans l'hypothèse que Paris persiste dans la défense de sa politique, l'affaire pourrait être portée devant la Cour de Justice de l'Union européenne qui alors tranchera. En cas de condamnation, la France pourrait devoir verser une lourde amende à l'Union européenne.
Suspension des droits de vote de la France ?
Autre possibilité, beaucoup plus extrême, la suspension des droits de vote de la France. En effet, le Traité de l'Union européenne (TUE) permet selon l'Article 7 de retirer à un État membre, ne respectant plus les valeurs de l'Union européenne (incluses dans l'article 6 du TUE) son droit de vote.
Une telle procédure est contraignante car elle nécessite un vote à l'unanimité du Conseil européen, où siègent les 27 chefs d'États. En 1999, lorsque l'extrême droite autrichienne de Jorg Haider entre au gouvernement, elle fut évoquée, mais sans être mise en route. Aucun gouvernement n'est prêt à condamner un voisin, sachant que cela pourrait lui arriver par la suite.
Une situation sans précédent
Selon le porte parole de Viviane Reding contacté par Myeurop.info, ce serait la première fois qu'un État membre serait poursuivi pour ces motifs :
« Le protocole de 2004 relatif aux expulsions n'est en vigueur que depuis peu. Même chose pour la Charte des droits fondamentaux qui ne fait partie des Traités que depuis 2009 et sur laquelle repose le dossier ».
A Paris, mercredi, les deux ministres qui avaient rencontré Mme Reding la semaine dernière, le Secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, Pierre Lellouche, et le ministre de l'immigration Eric Besson, ont vivement réagi à ses accusations.
Sur RTL, Pierre Lellouche s'est offusqué du parallèle fait par la Commissaire avec la seconde guerre mondiale :
« Roissy, ce n'est pas Drancy (…). Ce genre de dérapage n'est pas convenable. Sa passion a sans doute dépassé sa pensée. (…) La patience a des limites, ce n'est pas comme cela que l'on s'adresse à un grand Etat. »
Même réaction d'Eric Besson sur Europe1, qui a estimé que la commissaire européenne avait « dérapé ».
« D'ordinaire, elle est plus pondérée. Elle dérape, elle utilise une expression qui est à la fois choquante, anachronique et qui procède d'un amalgame ».
En partenariat avec le site Rue89Longtemps hésitante sur l'attitude à adopter concernant les expulsions de Roms bulgares et roumains décidées par la France, la Commission européenne vient de trancher: elle part en guerre contre la France. C'est la Commissaire en charge de la Justice, la luxembourgeoise Viviane Reding qui l'a déclaré elle-même lors d'une conférence de presse à la mi-journée.
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Réactions
En réponse aux déclarations de la Commissaire européenne, le Quai d'Orsay s’est contenté de faire part de son « étonnement » .
Les groupes politiques du Parlement européen (Les Verts, Socialistes et Libéraux) qui avaient voté la semaine dernière une résolution demandant l'arrêt des expulsions de Roms dans toute l'Europe, se sont réjouis de la décision de Bruxelles.