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De Constantinople à Istanbul

vendredi, 24 septembre, 2010 - 20:20

Pour Nora Seni, de l’Institut français d’études anatoliennes à Istanbul, l’empreinte occidentale sur la métropole ottomane date de son origine.

S’il fallait une preuve de l’européanité d’Istanbul, l’histoire des quartiers de Péra et Galata, aujourd’hui regroupés sous le nom de Beyoglu, suffirait. À l’époque byzantine, Galata n’est qu’une petite ville fortifiée en face de Constantinople, la capitale de l’Empire chrétien d’Orient. La petite cité connaît un essor formidable lorsque les Génois en prennent le contrôle au XIIIe siècle.

Lors du siège et de la prise de Constantinople par le sultan Mehmet le Conquérant, en 1453, Galata signe un accord de neutralité avant d’être intégré à l’Empire ottoman. Péra et Galata seront alors dominés par une soixantaine de familles génoises. « C’est dans ce quartier qu’habite la majorité des non-musulmans et la très grande majorité des chrétiens, orthodoxes ou catholiques, explique Nora Seni, historienne et directrice de l’Institut français d’études anatoliennes à Istanbul. La ville est organisée en quartiers communautaires qui n’étaient pas des ghettos. D’un côté, il y a la presqu’île historique, musulmane, et de l’autre, le noyau chrétien des quartiers de Péra-Galata, où se concentre, aujourd’hui, le caractère européen et occidental de la ville. »

Depuis François Ier

C’est aussi à Péra que s’installent, au xviie siècle, la plupart des représentations européennes. La France est la première nation du Vieux Continent à y construire une ambassade. En 1525, François Ier devient le premier monarque étranger à établir des relations diploma tiques avec l’Empire. Dix ans plus tard, il obtient de son allié Soliman le Magnifique la première capitulation, un système juridique très favorable aux citoyens français dont bénéficieront plus tard Anglais et Hollandais.

Au XIXe siècle, Péra et Galata deviennent la vitrine de l’occidentalisation de l’Empire. « C’est le siècle européen, explique Nora Seni. Les valeurs changent, l’Occident est l’objet de curiosité et de désir. Avec l’arrivée de chanteurs et d’artistes, la multitude de cafés-concerts, de théâtres et de magazines de mode, Istanbul devient la banlieue de Paris. » C’est également d’ici que s’observe la guerre de Crimée entre l’alliance des Britanniques, des Français et des Ottomans contre les Russes.

La Première Guerre mondiale et la chute de l’Empire marquent toutefois un tournant pour la capitale ottomane. Occupée par les alliés britanniques et français, qui entrent dans la ville en 1918, Istanbul devient, pour les résistants menés par Mustafa Kemal, le symbole du passé et de la monarchie. À peine libérée par les troupes turques, en 1923, elle perd son titre de capitale politique au profit d’Ankara, mais conservera son rôle économique et culturel. Malgré les pillages et les massacres perpétrés contre les minorités non-musulmanes des quartiers de Beyoglu, les 6 et 7 septembre 1955, Istanbul est restée, jusqu’à aujourd’hui, le principal bastion chrétien et occidentalisé de la Turquie.

« Istanbul n’est pas seulement une ville européenne, mais aussi une métropole importante du monde globalisé, avec une occidentalisation prononcée, constate Nora Seni. Ce n’est pas un hasard si les nouveaux musées se créent dans l’ancien quartier de Péra et non dans la presqu’île historique, près du palais de Topkapi ou de Sainte-Sophie. On assiste aujour­d’hui à une réappropriation de la veine occidentale de l’Empire ottoman. »




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