L’écrivain Terry Pratchett, atteint d’Alzheimer, se propose d’expérimenter des tribunaux destinés à autoriser ou non les demandes d’euthanasie.
L’écrivain britannique de science-fiction Terry Pratchett a relancé la polémique sur l’euthanasie. Lors d’une intervention à l’université royale de médecine, il a demandé la mise en place d’un « tribunal strictement non agressif » afin d’autoriser ou non l’euthanasie d’une personne atteinte d’un mal incurable.
Ce tribunal établirait les faits bien avant que la mort assistée ait lieu. (..) Je suggère qu’il y ait un avocat, possédant une expertise dans les affaires familiales (..). Il faudrait aussi un praticien médical expérimenté dans la gestion de la complexité des maladies longues ».
L’auteur, lui-même atteint d’une forme rare de la maladie d’Alzheimer, se propose d’être le premier à « tester » son idée.
Depuis plusieurs années, le pays est régulièrement remué par cette question existentielle. Debbie Purdy, une Britannique atteinte d’une sclérose en plaque, avait voulu s’assurer dès le début de l’année 2008 que son mari ne serait pas poursuivi s’il était présent avec elle en Suisse lors de sa future euthanasie. Cette pratique est, en effet, interdite en Grande-Bretagne où elle est considérée comme un suicide assisté et punissable de quatorze ans de prison et plus d’une centaine de Britanniques ont, comme elle, fait appel à l’association zurichoise pro-euthanasie « Dignitas » pour mettre fin à leur existence.
Souhait clair et définitif
Le 23 septembre dernier, le responsable des poursuites judiciaires a conclu qu’il n’était pas dans l’intérêt public d’inculper quelqu’un dans le cas où le défunt avait émis « un souhait clair, définitif et informé de commettre un suicide », souffrait d’une maladie incurable ou en phase terminale, et avait de sa propre initiative demandé de l’aide. Néanmoins, il n’a pu apporter de « garanties de ne pas être poursuivi ». Les opposants à la libéralisation de l’euthanasie craignent les dérives. Lors de son intervention, Terry Pratchett l'a lui même rappelé:
son idée pourrait mettre certaines personnes, dont moi, un peu mal à l’aise, car elle suggère que le gouvernement a le pouvoir de vous dire si vous pouvez vivre ou mourir ».
Jane Campbell, membre de la chambre des Lords, handicapée et elle-même atteinte d’une longue maladie grave, y est totalement opposée, car « une fois que l’on ouvre la porte à ce genre de décision, on commence à dire : « oui, dans certaines circonstances il est juste de tuer une personne handicapée ou en phase terminale de maladie ». De nombreux internautes effectuent ainsi un lien direct avec les massacres d’handicapés perpétrés par le régime nazi. Pourtant, selon deux sondages parus ces derniers jours, entre 73% et 75% des Britanniques se disent favorables à l’euthanasie.
En Europe, seuls les Pays-Bas et la Belgique ont, sous conditions, légalisé l'euthanasie. Les Pays-Bas ont été les premiers, en 2001, à l’avoir légalisé. Comme en Belgique, à la demande du malade, une substance létale peut être administrée par un médecin en cas de maladie incurable ou de souffrance intolérable. La Suisse interdit pour sa part « l'euthanasie active », mais autorise le « suicide assisté » c'est-à-dire la mise à la disposition du malade incurable d'une potion létale.
Italie
Deux affaires ont profondément bouleversé l'Italie ces trois dernières années. D'abord, celle de Piergiorgio Welby. Atteint de dystrophie musculaire, cet homme s'est battu avec sa son épouse Mina, pendant des années pour obtenir le droit d'être débranché. L'an dernier, l'affaire Eluana Englaro, qui était dans un coma irréversible depuis dix-sept ans, avait relancé le débat à la suite d’une décision de justice autorisant sa non-alimentation afin de l'aider à mourir. Sous la pression de l'Eglise, le gouvernement avait, dans la foulée, fait adopter en urgence une loi qui rendait obligatoire l'hydratation et l'alimentation artificielle. Depuis, le parlement planche, du moins en principe, sur le dossier du testament biologique. Mais, sous l’influence de l’Eglise, rien n’avance vraiment. Plusieurs médecins aident en catimini leurs malades à mourir dans la dignité, comme partout ailleurs. Tout le monde le sait, mais le sujet est tabou.
France
En France, il s'agit d'un assassinat ou d'un empoisonnement prémédité punissable théoriquement de la réclusion criminelle à perpétuité. Les textes règlementaires et législatifs ont cependant élargi les possibilités de cessation de l'acharnement thérapeutique et étendu les droits du malade « à une fin digne» et, dans la pratique, les tribunaux concluent le plus souvent à un non-lieu ou à une peine symbolique
Finlande
La Finlande n'a pas de loi interdisant l’euthanasie et il n'y a pas eu, jusqu'ici de poursuites judiciaires. La seule loi semble être la loi du silence. Cependant, selon un sondage, un Finlandais sur deux serait pour la légalisation de l'euthanasie. Le corps médical est, lui aussi partagé dans les mêmes proportions. Le débat dans les médias porte essentiellement sur l’"euthanasie active" ou "passive". A l’inverse, en Suède ou en Norvège, l’euthanasie est légalement interdite et des personnes ayant aidé des malades incurables à mourir ont été condamnées.
Allemagne
En Allemagne, l’euthanasie est une pratique encore taboue et très controversée. Les tentatives de réglementations depuis dix ans ont été tuées dans l’œuf et aider une personne à mourir, même avec son accord, est passible de 6 mois à 5 ans de prison selon l’article 216 du code pénal. Le débat a surtout porté ces dernières années sur le souhait ou pas des patients de subir un traitement médical dans des cas désespérés. Après deux ans de discussions, le Bundestag a voté une loi qui permet à chaque citoyen de faire connaître par écrit son vœu de subir ou non un acharnement thérapeutique. Ce procédé est cependant très encadré.