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La Turquie s’éloigne de l’Union

jeudi, 30 septembre, 2010 - 17:15

Les Turcs ne semblent plus croire à leur adhésion à l’Union européenne et privilégient plutôt un rapprochement avec les pays du Moyen-Orient.

48 % des Turcs interrogés dans le cadre de la dernière enquête (*) de « Transatlantic Trends » estiment ainsi que la Turquie ne fait pas partie de l’Occident (30 % pensent le contraire). Conséquence logique: seuls 38 % des Turcs estiment que l’adhésion d’Ankara à l’UE serait une bonne chose (contre 31 %) et pour 43 % d'entre eux, l’OTAN n'est pas essentielle à la sécurité de leur pays (contre 30 %).

Ces résultats reflètent une sorte de dépit grandissant au fil du temps des Turcs face à la perspective d’adhésion à l’Union européenne. En témoignent l’effondrement du soutien à l’adhésion à l’UE dans les différentes enquêtes transatlantiques menées depuis quelques années – 73 % en 2004, 63 % en 2005, année du début des négociations d’adhésion, 54 % en 2006, 40 % en 2007, 42 % en 2008, 48 % en 2009 et 38 % en 2010 – et de la vision positive de l’OTAN (« l’OTAN est essentielle à la sécurité du pays ») – 53 % en 2004, 52 % en 2005, 44 % en 2006, 35 % en 2007, 38 % en 2008, 35 % en 2009 et 30 % en 2010. Même si 38% des Turcs sondés estiment que l’appartenance à l’UE serait une bonne chose pour leur pays, ils ne semblent plus trop y croire puisque ils sont 63 % à penser que la Turquie n’adhèrera probablement pas à l’Union.

Tropisme moyen-oriental

Autre symptôme, à la question « avec qui pensez-vous que la Turquie devrait développer une coopération plus étroite », en 2009, 22 % des Turcs interrogés répondaient les pays de l’UE et 10 % les pays du Moyen-Orient. En 2010, 20 % d’entre eux choisissent les pays du Moyen-Orient et seulement 13 % les pays de l’Union européenne.

Il est sans doute encore trop tôt pour en tirer des conséquences et pour parler d’un grand basculement de la population turque vis-à-vis de l’Union européenne et de l’Europe en général. Néanmoins, si cette tendance se confirmait, elle pourrait avoir un impact sur la politique européenne menée par le gouvernement turc. On peut supposer que cela tient en grande partie aux réticences de nombreux pays et de leurs opinions publiques vis-à-vis de l’adhésion de la Turquie à l’UE.

Les Européens (en l’occurrence les personnes interrogées dans 11 pays-membres) paraissent en fait assez divisés sur la question turque, mais ceux qui pensent que cette adhésion serait une mauvaise chose sont plus nombreux que ceux qui pensent le contraire (34 %, contre 24 %). C’est tout particulièrement le cas au sein des opinions de trois États fondateurs : la France (49 % d’avis défavorables vis-à-vis de cette adhésion), l’Allemagne (44 %) et les Pays-Bas (38 %).

Mauvaise image

L’image de la Turquie paraît assez mauvaise en moyenne dans les 11 pays de l’Union (48 % d’image négative, contre 40 % d’image positive). C’est en particulier le cas en France (60 % d’image négative) et en Allemagne (63 % d’image négative). Les Européens se montrent également partagés sur la probabilité d’adhésion d’Ankara : 51 % pensent que c’est probable, contre 43 % qui ne le pensent pas. Ce sont les Allemands, les Français… et les Turcs qui y croient le moins.

Au passage, on doit noter que les Turcs répondent le plus souvent par la négative à la plupart des questions posées, à la différence notable des opinions européennes et américaine : par exemple 67 % des Turcs sondés ne souhaitent pas que les États-Unis exercent un leadership dans les affaires internationales, 56 % ne souhaitent pas que l’UE exerce un tel leadership, 58 % désapprouvent la politique internationale menée par le président Obama, 67 % n’ont pas une bonne image des États-Unis, etc.

En outre, ils expriment majoritairement leur opposition à l’accord conclu avec l’Arménie ou aux négociations menées à Chypre pour la réunification de l’île. Enfin, les Turcs sont largement les plus nombreux de l’échantillon (48 %) à ne pas se sentir concernés par la « menace » iranienne. Est-ce le symptôme d’un orgueil national bafoué et d’un repli sur soi dans un pays où le sentiment national est très fort ? C’est très difficile à dire d’autant que l’on ne dispose pas sur ces questions de données pour les années précédentes permettant d’affirmer qu’il existe une tendance dans un sens ou dans un autre.


(*) L’enquête de 2010 a été menée à l’instigation du German Marshall Fund of the United States et de la Compagnia di San Paolo dans 13 pays de l’espace transatlantique : aux États-Unis, dans 11 pays de l’Union européenne (Allemagne, Bulgarie, Espagne, France, Italie, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie), et en Turquie. Elle a été effectuée au cours du mois de juin 2010.
 


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