A l’heure des plans d’économie budgétaires, la plupart des pays européens réduisent le salaire de leurs ministres. En France, la réduction du "train de vie de l'Etat" annoncée par Nicolas Sarkozy n'ira pas jusque là. De quoi faire sourire (jaune) leurs nombreux collégues européens...
En ces temps d’austérité budgétaire, la plupart des gouvernements se mettent aussi à la diète en annonçant la réduction des traitements de leurs ministres et, dans certains cas, de leurs fonctionnaires. Comment faire passer, en effet, aux yeux de l’opinion des coupes sombres dans de nombreux programmes sans que les décideurs eux-mêmes n’en supportent les conséquences ?
La France fait pourtant exception: il n'est pas question ici de toucher aux salaires des ministres et encore moins à celui du chef de l'Etat. Nicolas Sarkozy vient pourtant d'annoncer une réduction du « train de vie » de ce même Etat. Le menu est diététique, mais ce n'est pas une cure de régime très drastique: les frais privés des ministres seront payés « sur leurs deniers personnels » et des « sanctions » seront prises en cas d'abus. Par ailleurs, 10 000 véhicules et 7 000 logements de fonction seront supprimés. La garden party de l'Elysée sera annulée cette année et les chasses présidentielles « remplacées par de simples battues »…
Certes, le principe d’une baisse de 10% sur trois ans des dépenses courantes des ministères est confirmé, mais les ministres prêts à des sacrifices personnels – comme Christine Lagarde (économie), Rama Yade (sport), Valérie Pecresse (universités)– étant peu nombreux et le Président de la République comme le chef du gouvernement, François Fillon, n'étant pas prêts à montrer l'exemple, la messe était dite pour une baisse générale des salaires des ministres. François Barouin lui-même, ministre du budget, jugeait « démagogiques » de telles mesures qui ne rapporteraient pas grand chose (300 000 € par an, dit-on, en cas de baisse des salaires de 5%). George Tron, ministre de la fonction publique, s’enfermait, quant à lui dans une logique implacable :
pourquoi baisserait-on le salaire des ministres puisque celui des fonctionnaires ne baisse pas » ?
Le porte-parole du gouvernement Luc Chatel poussait encore plus loin le raisonnement au nom du principe d’égalité : la mesure impliquerait « de baisser aussi le salaire des hauts fonctionnaires et donc de tous les fonctionnaires » ! Ironie de l'histoire, c'est au nom de ce même principe d'égalité que les ministres et les fonctionnaires ont réduit leurs salaires dans d'autres pays d'Europe.
Petit florilège :
En Grande Bretagne, David Cameron et ses ministres ont accepté de réduire leur salaire de 5% : le Premier Ministre touchera désormais 13.800 euros mensuel (contre 20 000€ en France). Quant aux ministres, finis les véhicules de fonction attitrés : ils devront se servir dans le lot des véhicules attribués à leur ministère respectif. Ces mesures devraient permettre d’économiser plus de 4 millions d’euros par an.
Au Portugal, c’est l’ensemble de la classe politique qui voit ses salaires diminuer de 5 % : membres des gouvernements nationaux et régionaux, députés, élus locaux (sans compter les dirigeants des 600 entreprises publiques ou semi publiques). Le parlement a décidé d’aller encore plus loin : Les députés vont désormais voyager en classe économique sur les lignes régulières. En tout, 6 millions d’euros annuels d’économies attendues.
En Italie, ministres et hauts fonctionnaires vont supporter des coupes de 10 à 15% de leurs traitements ainsi que de leurs frais. Une mesure similaire doit s’appliquer aux dirigeants des entreprises publiques. Cela va bien au delà du gel de trois ans prévu pour l’ensemble de la fonction publique.
En Espagne, les salaires des membres du Gouvernement baissent de 15% à partir du mois de juin. Ce qui ramène à 5 750 euros mensuels le traitement d’un ministre (près de trois fois moins qu’en France). Quant aux députés et sénateurs, ils ont décidé d'eux-même de baisser leur traitement de 12 à 15% de même que les Maires. Il faut dire qu’en Espagne les traitements de l’ensemble des fonctionnaires vont diminuer de 15%, comme pourrait le faire justement remarquer Luc Chatel… Mais à l’évidence, la classe politique n’était pas incluse dans la mesure générale.
L’Irlande enfin a diminué de 15% le salaire des membres du gouvernement. D’autres pays envisagent, comme la Belgique, des mesures similaires. Reste que la France n’est pas totalement isolée en Europe dans son refus de l’austérité ministérielle. C’est le cas en Allemagne et dans les pays scandinaves. Mais en Europe du nord, la simplicité fait loi depuis longtemps. Comme en Finlande où la pratique des avions spéciaux ou privés est inconnue, de même que celle des appartements de fonction.
Dire cependant que le gouvernement français ne se serre pas la ceinture serait injuste. Dès 2009, le premier ministre François Fillon a renoncé au deuxième avion qui l’accompagnait dans ses déplacements. Quant à Luc Chatel, porte parole mais aussi ministre de l’éducation, il a fait remplacer dans les salons du ministère toutes les fleurs naturelles par des bouquets artificiels. Dur, dur…