Les films européens font, de nouveau, recette. On ne compte plus les réalisateurs allemands, espagnols, finlandais, anglais et français de talent qui remplissent les salles obscures… D’ingénieux systèmes d’aides publiques, de taxes sur les jeux ou d’avances ont permis ce renouveau. Seul le cinéma italien n’arrive pas à retrouver son lustre d’antan.
La super-production hollywoodienne "Avatar" est "un produit qui anesthésie le spectateur et pénalise la production européenne" incapable de mettre en œuvre les moyens économiques et techniques débloqués pour le film de James Cameron, tonnait en janvier dernier le réalisateur italien Marco Bellocchio. Constat sévère et faux : le scénario du réalisateur italien est loin de la réalité, car, à l’exception notable du cinéma de son pays, les blokbusters américains comme Avatar n'ont pas dissuadé les spectateurs d'aller voir des films produits et réalisés en Europe.
Septième art allemand au septième ciel
En Allemagne, les moteurs tournent à plein régime et le marché ne s’est jamais aussi bien porté depuis les années 80. Près de 150 millions d’entrées dans les salles en 2009 avec une part de marché proche de 30% pour le septième art germanique. Autre signe révélateur de ce dynamisme, les films nationaux programmés au Festival de Berlin sont d'année en année, plus nombreux.
Bon cru ibérique
En Espagne, quand on a pour ministre de la Culture Ángeles González-Sinde, scénariste et réalisatrice récompensée par deux Goya (l’équivalent espagnol des César), on se doit d’avoir une industrie cinématographique florissante. Boosté par les aides provenant du fonds d'aide au cinéma, qui sont passées de 32.7 milliards d’euros en 2003 à 89.3 milliards en 2010, le nombre de films sortis en salle a plus que doublé durant la période 1998-2009. En revanche, le nombre de spectateurs en salle a diminué (-11 millions de spectateurs annuels en 10 ans) au profit des ventes de films en DVD, de la vidéo à la demande et du téléchargement. Mais l’Espagne se console avec ses têtes d’affiches comme Pedro Almodovar et Alejandro Amenábar.
Loto finlandais
Idem en Finlande où malgré les crises, le cinéma marche bien. Les "anciens", comme les frères Kaurismäki, sont toujours derrière la caméra et les autres vedettes comme Timo Koivusalo , Aku Louhimies, Klaus Härö ou encore Aleksi Salmenperä, leur emboîtent le pas. Ici, ce sont les gains du loto (Veikkaus) qui financent principalement l’industrie cinématographique.
Ainsi, 19 millions d'euros ont été distribués l’an dernier, pour financer les activités "cinéma". Par ailleurs, Suomen Elokuva Säätiö, le fonds pour le cinéma finlandais finance 30 à 50 % du budget des films. Sans compter les compléments (de l'ordre de 500.000 à 2 M d'euros) débloqués par l’AVEK (le fonds pour les courts métrages, les films expérimentaux et les documentaires) et les enveloppes versées par certaines régions comme celles du Nord de la Finlande.
"Made in UK" récompensé
Au pays de David Lean, tout va bien. Ken Loach, Michael Winterbottom, Peter Mullan et Mike Leigh font partie des valeurs sures. Au Bafta (l’équivalent des Césars), le cinéma "Made in UK" est toujours largement récompensé. Reste le fait qu’il faudrait un peu plus d’argent pour faire plus, estime Teresa Ross, directrice du secteur cinéma de la chaîne Channel 4.
Modèle français
Au pays de l’"exception culturelle", l’industrie a produit 230 films en 2009 qui ont généré environ 75 millions d’entrées
En inventant le cinéma, Louis Lumière semble avoir inventé la "crise du cinéma français". Nombreux sont ceux qui soulignent les failles d’un système qui reste néanmoins le plus efficace d’Europe ! L’industrie cinématographique française possède un arsenal d’aides comme l’avance sur recette, l’aide à la distribution, la défiscalisation des investissements privés dans le cinéma (Sofica). Le bouclier ultime reste une taxe sur chaque billet, reversée à un fond de soutien au cinéma national.
La Dolce vita n'est plus douce
Il n’y a qu’en Italie, que l'industrie du cinéma va mal, très mal. Elle se souvient avec nostalgie de son brillant passé, du temps de La Dolce Vita. Les producteurs ne veulent plus signer de chèque et préfèrent arracher les pages des scénarios pour économiser sur les décors. Du coté de l’Etat, les aides sont réduites à peau de chagrin. Quant aux réalisateurs ils semblent à court d’idées sauf quant il s’agit de faire des navets.
Les salles de cinéma se vident. Avec six millions de spectateurs en moins par rapport à l’année précédente, 2009 a été une année noire. Mais 2010 ne s'annonce pas meilleure. Il reste, bien sur, les stars comme Nanni Moretti, ou encore Paolo Sorrentino ( Il divo) et Ferzan Ozpetek . Mais la majorité des trop rares longs-métrages italiens n’attirent plus le grand public qui préfère regarder les shows télévisés des télévisions berluconiennes. Triste fin de séance au pays de Dino Risi, Nino Manfredi, Ugo Tognazzi, Alberto Sordi, Marcello Mastroianni…