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L’art « facebooquien » s’expose à Madrid

vendredi, 8 octobre, 2010 - 10:10

La salle d’exposition madrilène « Arte Joven » expose les créations issues d’idées d’internautes. Les œuvres évoluent au fil des contributions. L’exposition est aussi autocritique avec des créations dénonçant l’univers tribal des réseaux sociaux.

Il existe mille et une façons de profiter du foisonnement de rencontres et d’idées sur les réseaux sociaux. Israel Sousa et Rafael Fernández, alias Rafafans, en ont fait une œuvre d’art. Une œuvre concrète, qui s’apparente au contenu d’un « mur » sur Facebook, en se nourrissant de la participation d’« amis virtuels ». Elle prend forme dans la « Salle Arte Joven » de Madrid, qui a pris le nom de « Sala Arte Joven 2.0 » pour l’occasion, et évolue au gré des idées des internautes.

Le principe du projet est de permettre aux internautes de participer à la création d’une œuvre d’art réalisée dans la « Salle Arte Joven 2.0 » en deux phases. A partir d’un thème choisi par un artiste, les internautes qui visitent la page Facebook du projet ( Sala de arte joven 2.0 Comunidad de Madrid) partagent leurs idées sur la façon dont l’œuvre doit être réalisée. Dans un second temps, l’artiste à l’origine de l’idée choisit parmi les participants virtuels plusieurs «collaborateurs » qui sont invités à se rendre dans la salle madrilène pour concrétiser le projet. Une fois cette œuvre participative achevée, elle devient le matériau à partir duquel un autre artiste aidé d’autres collaborateurs issus du web créent une nouvelle composition. Cinq artistes (Jacobo Castellano, Pablo Grandegraphix, El Tono, Juan López et Nano 4814) et environ 75 collaborateurs désignés sur Facebook enchaînent ainsi d’avril à juillet cinq projets à partir d’une première œuvre.

Internet, mouvement perpétuel

Les réseaux sociaux servent à la fois de muse mais également d’outil de travail à ce projet pionnier en Europe, puisque l’artiste y puise les idées des internautes, lesquels viennent l’épauler pour la réalisation de l’œuvre. « L’intérêt est de supprimer la hiérarchie qui existe traditionnellement entre la classe productive et les consommateurs d’art », en faisant de ces derniers les producteurs de l’œuvre, sous la direction de l’artiste, explique Israel Sousa. C’est le même principe qui régit le web 2.0, dont le contenu est créé par les propres internautes.

La courte vie des œuvres créées reflète le devenir des contenus du web : « prenons les photos des filles de Zapatero [le chef du Gouvernement espagnol refuse que soient diffusées des images de ses filles, même pixellisées, ndr], elles ont circulé sur le web, puis certains usagers les ont retravaillées et ont diffusé les nouvelles images, elles-mêmes utilisées ensuite par d’autres internautes dans des films visibles sur le Net, par exemple », illustre Sousa. Le fait de réaliser une œuvre à partir d’un travail déjà existant grâce aux idées des membres d’un réseau social matérialise le mouvement perpétuel du contenu d’Internet. « Finalement, ce qui compte n’est pas tant le résultat final que le processus de création », conclut Sousa.

Fresques murales évolutives

Depuis avril, des montagnes russes on été transformées en rampe de skateboard puis en bûches pour un feu de camp aux formes géométriques. Par la suite, des photos de trophées ont été recouvertes de peinture blanche et servi de collage pour une fresque murale aux allures d’abscisses et ordonnées, tandis que des nuages de confettis propulsés par aérateur industriel se sont incrustés sur les murs de la salle, sur lesquelles sont collés les petits morceaux de papier coloré lancés par les visiteurs.

Tout n’est cependant pas créativité et ouverture d’esprit dans l’univers « facebooquien ». L’un des artistes, Juan López, en fait la critique à travers l’une des œuvres de l’exposition. A travers des petits tas de confettis de même couleur, l’idée de López est de montrer l’enfermement presque « tribal » des groupes sociaux qui se forment sur Myspace ou Tuenti. L’exposition,  censée représenter la « dynamique des relations sur les réseaux sociaux en la matérialisant à travers d’une œuvre d’art », selon Sousa, prend ainsi tout son sens.


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