Les investisseurs boudent « l’Estdorado »
Les investissements réalisés par les entreprises étrangères en Europe centrale et orientale devraient diminuer de moitié en 2009.
Les pays d’Europe centrale et orientale ne séduisent plus les investisseurs étrangers. La première alerte remonte à 2008 avec une baisse, sur un an, de 9 % des flux de capitaux chez les nouveaux membres de l’Union européenne et de 22 % dans les Balkans. Depuis, cette détérioration s’est accentuée. Crise économique oblige, au premier trimestre 2009, les investissements directs étrangers (IDE) accusent un recul de 20 % en Roumanie et de 80 % en Estonie par rapport au même trimestre de 1998, selon l’Institut viennois d’études économiques internationales (WIIW). « On peut s’attendre à une diminution de 50 % au minimum cette année, soit des flux équivalents à ceux du début des années 2000 », souligne Gabor Hunya, auteur de ce document. Ces investissements ont, par ailleurs, changé de nature et de dimension. Les gros projets dans l’automobile ou dans l’électronique sont gelés, tandis que se développent des petits projets dans le domaine des énergies renouvelables ou les services.
Profits rapatriés
Vingt ans après la chute du mur de Berlin et alors que l’implantation des entreprises étrangères a été essentielle pour la modernisation de leurs économies, ce retournement a un goût amer pour les pays de l’Est européen. De plus, les multinationales ont désormais tendance à rapatrier les profits au lieu de les réinvestir sur place. En 2008, les sociétés mères ont ainsi récupéré 70 % des gains réalisés. Une situation qui fragilise la balance des paiements des pays d’Europe centrale et orientale et accroît leur déficit, d’autant que la fuite des capitaux n’est pas compensée par le développement des exportations.
Pire encore : certaines entreprises étrangères commencent à réexaminer leur stratégie. En mai dernier, Hitachi a fermé son usine de fabrication d’écrans plats nouvellement construite en République tchèque, la demande pour ce type de produits n’étant plus au rendez-vous.
À l’Est, la crise est loin d’être terminée, observe Gabor Hunya, qui se refuse pourtant à tout pessimisme. La baisse des investissements directs étrangers est aujour d’hui mondiale. En outre, on peut s’attendre à un retour des firmes étrangères dès la reprise. La situation actuelle ne remet pas en cause le processus d’intégration de ces pays.
Et le chercheur de rappeler que l’Europe centrale et orientale bénéficie de fonds de l’UE, capables de réenclencher une dynamique vertueuse. Cette analyse est partagée par Sandrine Levasseur, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) :
Il faudra plusieurs années à ces pays pour retrouver le niveau de développement d’avant la récession. Toutefois, la dévaluation de fait de leur monnaie va leur permettre de rester compétitifs.
En Pologne ou en Roumanie, par exemple, les devises nationales ont perdu environ 30 % de leur valeur par rapport à l’euro.
Malgré la baisse actuelle des investissements, certaines entreprises l’ont d’ailleurs compris. Le géant informatique Dell a ainsi quitté l’Irlande pour la Pologne, afin de diminuer ses coûts de production. Le flux d’investissement pourrait donc s’intensifier de nouveau mais, comme le remarque Sandrine Levasseur, « cette situation remet en question le processus de convergence des salaires entre l’Est et l’Ouest ».