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« Eclairez-moi, Président ! »

mardi, 12 octobre, 2010 - 14:09

Monsieur le Président, je n’y comprends plus rien ! Je vous ai pourtant toujours bien suivi dans vos raisonnements…

En 2007, vous disiez, « travailler plus pour gagner plus », quoi de plus sensé ? Vous disiez qu’il fallait récompenser l’effort, encourager "ceux qui se lèvent tôt". Vous disiez qu’il fallait favoriser l’entreprenariat, l’initiative individuelle. Mais oui, bien sûr !

Vous disiez, et vous l’avez répété, qu’il ne faut pas stigmatiser ceux qui réussissent parce qu’ils créent des emplois. Qu’il faut cesser de les punir avec une fiscalité confiscatoire. Je me souviens de votre indignation : "peut-on demander aux gens qui travaillent si dur pendant une année de reverser à l’Etat plus de six mois de leurs revenus ?" Votre idée d’instaurer un bouclier fiscal, c’était du simple bon sens.

Bon, c’est vrai, on est un peu seuls en Europe – à part le Danemark – à mettre en œuvre cette mesure. Mais il faut dire aussi que l’on est aussi à peu près les seuls – mis à part la Grèce et la Finlande – à prélever un impôt sur la fortune. C’est vrai aussi que les bénéficiaires du bouclier sont vraiment des gens très, très riches. Mais enfin, ces grandes familles sont le moteur du capitalisme français. Veut-on décidément les pousser à s’exiler vers des cieux fiscalement plus cléments ?

Votre gouvernement a la bonne réponse. Certes, on a remboursé cette année 680 millions d’euros à ces gros contribuables accablés. Mais le porte-parole de l’UMP Frédéric Lefebvre a magistralement balayé ces critiques le 4 octobre dernier:

Le bouclier fiscal ne coûte pas 600 millions. On oublie de dire que les gens ont quand même payé 50% d’impôt parce qu’ils étaient sur notre territoire. Cela nous permet de sécuriser 1,2 milliard de recettes.

Bien sûr que, pressurés au delà du raisonnable, tous ces gens auraient quitté le territoire dare dare. D’ailleurs, toutes les études le montrent, l’évasion fiscale n’a cessé de s’accélérer entre 2003 et 2007. Et puis en 2007, avec votre arrivée, changement de décor : le nombre d’évadés fiscaux chute de 15%. Certes, l’année suivante, l’hémorragie a repris. Sans doute, la déprime de la crise a-t-elle été plus forte que le confort du bouclier…

Enfin, j’en étais là. Je me disais : la France n’est pas très "business friendly", mais notre président se bat comme un lion pour nous conserver au moins une poignée de riches contribuables productifs. Ah bien sûr, avec toutes ces années de fuites du temps des socialistes puis de cet impénitent 'rad.-soc' de Chirac, il ne doit pas rester grand monde…

Mais depuis hier, Monsieur le président, j’en perds mon latin. J’apprends, par une étude de la banque Crédit Suisse – ce n’est pas le NPA ! – que la France est championne du monde des millionnaires en dollars : 9% des 24,5 millions que compte la planète de ces courageux travailleurs résident chez nous. 2,2 millions de personnes. En proportion de la population, c’est plus qu’aux Etats-Unis.

Mais que font-ils là ? Que font-ils dans ce pays en grève permanente, dans ce pays champion de la redistribution, dans ce pays où le riche doit s’excuser tout le temps, sinon se cacher ? Sont-ils à ce point masochistes pour aimer payer de lourdes charges patronales, s’acquitter de l’ISF, mendier leur bouclier fiscal ?

"Qu’ils s’en aillent tous !", lance dans son dernier brûlot le président du Parti de Gauche Jean-Luc Mélenchon. Mais non, justement, ils restent, ils s’accrochent, ils affluent même par légions. La France croule sous les opulents, s’asphyxie de leurs 4 x 4 et se couvre de manoirs en restauration…

Pourquoi tant de riches dans l’Hexagone ? Parce que, disent les spécialistes, l’immobilier compte pour une part très importante des gros patrimoines français. Et depuis dix ans, les prix de l’immobilier se sont envolés. Ce serait donc la lourdeur de leurs pierres qui attacherait les plus fortunés au sol français, les dissuadant de suivre les conseils de Mélenchon ?

Mais je vous vois sourire, Monsieur le Président… Vous ne craignez donc pas que la justification constante de votre politique s’en trouve ébranlée ? Vous ne craignez pas qu’on dise que les gros contribuables ne paient pas grand chose ? Vous ne redoutez pas que ces braillards de Français vous accusent de matraquer les Roms et de cajoler Liliane Bettencourt et ses amis ?

Vous haussez les épaules et vous secouez la tête : "tu vois qu’il fonctionne pas si mal, mon bouclier !"

Une fois de plus, vous m’avez convaincu.
 




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