Le 8 octobre, le Musée d’Art Moderne de Paris a inauguré une exposition rétrospective du photographe et réalisateur américain Larry Clark. Les organisateurs ont interdit l’accès aux mineurs, alors que l’artiste a consacré toute sa carrière à analyser le passage de l’adolescence à l’âge adulte. Point sur les plus récents scandales opposant morale et liberté d’expression dans le domaine de l’art.
Sex, drugs and childhood, semble être le mantra artistique de Larry Clark, photographe né à Tulsa dans l'Oklahoma américain en 1943. Teenage Lust ("luxure ado"), The Perfect Childhood ("enfance parfaite") et Kids ("gamins") comptent parmi ses travaux les plus commentés par la critique internationale. Il traite souvent le sort des enfants de la rue. Son nouveau projet ? Blood of Pan, où le mythique Peter Pan, ado séducteur et vagabond, tombe amoureux d’une Wendy accroc à la came.
Le 8 octobre, la ville de Paris lui a ouvert les portes de son Musée d’Art Moderne (MAM) pour y héberger une rétrospective. Sauf que Fabrice Hergott, directeur de l’établissement, a décidé d’interdire l’accès aux mineurs. La raison ? L’expo risquerait de fermer pour contravention à une loi de 2007 qui interdit la délivrance aux mineurs des messages violents, pornographiques ou incitant à la consommation de drogues. Les images exposées montrent souvent des mineurs dans des situations à caractère sexuel, voire explicitement délictuelles. Rien de très différent cependant par rapport à ce que montrent la pub et le cinéma pour tous publics.
Vienne la coquine
En Autriche, la dernière exposition qui a fait scandale concerne également une histoire en dessous de la ceinture. Au printemps 2010, le déménagement de l'un des plus grands clubs échangistes de la capitale autrichienne dans les sous-sols du somnolent musée de la Sécession viennoise avait déjà ravivé le débat vieux comme le monde sur les frontières de l'art. Ce musée public, joyau du courant Jugendstil fondé par le peintre Gustave Klimt en 1897, a organisé dans la foulée une exposition sur la place du sexe dans la société. Les subventions accordées au club échangiste par la mairie sociale-démocrate firent toutefois moins scandale… que le prix demandé aux amoureux de la culture pour pénétrer les lieux : plus de 30 euros par tête !
À Berlin, la chair à la silicone
En matière de polémique, nul ne peut égaler Gunther Von Hagens, l'inventeur de la plastination. Cette technique née en 1979 permet de figer, grâce à une imprégnation polymérique, des cadavres humains dans des positions les plus abracadabrantes, et d'exposer au grand public les secrets de leur anatomie. Ses expositions Body Worlds ("les mondes du corps") rencontrent un vif succès dans tous les pays où elles sont autorisées et génèrent un business florissant. Istanbul en accueille une actuellement. Si en Allemagne, aux Etats-Unis et au Japon, l'anatomiste a pignon sur rue, la France a refusé l'exposition Our Body ("notre corps"). Le tribunal de grande instance de Paris a estimé que l'exposition portait atteinte aux principes de respect du cadavre et d'inviolabilité du corps humain.
À Grenade, le Christ homo
Une Vierge Marie en soutien-gorge reçoit de l’argent de l’Ange Gabriel, lui-même torse nu et en jean. C’est l’Annonciation selon l’artiste espagnol Fernando Bayona, dont la série de photos "Circus Christi" dépeint la vie du Christ sous les traits d’un homosexuel prêchant la bonne parole à la façon d’une star du rock haranguant les foules. L’image a de quoi choquer dans une Espagne encore imprégnée de catholicisme. Elle a d’ailleurs provoqué l’ire de certains visiteurs de l’exposition. A tel point que l’Université de Grenade qui l’organisait a dû l’interrompre précipitamment deux jours après son ouverture, estimant qu’elle n’était pas en mesure de garantir la sécurité. L’expo devait se dérouler du 11 février au 5 mars 2010. Seuls trente-huit visiteurs ont eu le temps de s’approcher de l’œuvre de Bayona.
Les ruines d’Athènes
L’exposition "Destroy Athens" qui s’est tenue en automne 2007 dans la capitale hellénique s’inspirant de l’histoire du pays et préfigurant les temps difficiles qui s’acharnent aujourd’hui sur la Grèce, a soulevé une vive polémique. Entièrement en anglais, elle jonglait avec tous les stéréotypes nationaux. Cinquante-sept vidéo-artistes européens, dont Julian Rosenfeldt, Bernhard Willhelm, Eva Stefani ou encore Narve Hovdenakk, tournaient au dérisoire les symboles du pays. Exemples ? La danse hip hop d’un jeune gay et noir habillé en jupe evzone sur la fameuse place Syntagma ; le parallélisme entre l’Acropole et une femme de petite vertu ; un flic qui interpelle un automobiliste pour se masturber devant lui…
À Cáceres les grillons se sont tus
Plus récemment, le 15 septembre 2010, la salle Habana Espacio Libre à Cáceres – encore en Espagne – a dû retirer une création d’Ismael Alabado en raison de la forte pression exercée par les organismes de défense des animaux. Cette œuvre représentait un millier de grillons vivants, fixés au mur avec des épingles, durant leurs dernières heures avant de mourir. Qui l’aurait dit ? Dans le pays de la Corrida, il est interdit de torturer les grillons !