Et si les licenciements n’étaient pas la seule réponse à la crise? De la France au Royaume-Uni en passant par l’Espagne et l’Allemagne, certaines entreprises ont mis en place des mesures originales pour sauvegarder des emplois.
À l’heure où les plans sociaux se succèdent, tous les salariés ne sont pas visiblement concernés de la même manière, y compris dans des secteurs comme l’automobile, particulièrement touchés par la détérioration de la situation économique. Dans plusieurs pays d’Europe, des entreprises innovent pour éviter que leurs collaborateurs ne se retrouvent au chômage.
Espagne : nouvelle ligne de production contre gel des rémunérations
L’avenir de l’usine vaut bien un an de gel des salaires. C’est ce qu’ont décidé par référendum les 12.000 salariés du constructeur automobile SEAT, à Martorell, près de Barcelone.
En mars dernier, ils ont dit oui à la proposition de l’Union générale des travailleurs (UGT) qui demandait de renoncer à toute hausse en 2009 et de la limiter à 50 % de l’inflation en 2010, si cela pouvait aider à préserver l’emploi. Un mois plus tard, la direction du groupe Volkswagen, auquel appartient Seat, annonçait qu’elle ne délocaliserait pas la production. Plus fort encore : elle confiait au site catalan la fabrication du nouveau modèle Audi Q3. L’effort des salariés devrait être compensé par une prime versée en 2011.
Selon les syndicats, près de 1.500 emplois ont été sauvés alors que le taux de chômage a franchi la barre des 17 % en Espagne et que le secteur de l’automobile catalan est en pleine débandade. Saluée par le gouvernement et les organisations patronales, cette "victoire" ne fait pas l’unanimité : Commissions ouvrières, l’autre grande centrale syndicale au côté de l’UGT, a rappelé qu’il ne pouvait s’agir que d’un cas exceptionnel et surtout pas d’une « porte ouverte au chantage permanent » de la part des patrons.
Royaume-Uni : chômage technique payé contre heures sup’
Après quatre mois de fermeture de l’usine, les 3.700 employés d'Honda à Swindon, en Angleterre, ont réintégré, début juin, leur chaîne de montage. Mais ils auraient pu être bien moins nombreux.
En début d’année, 1.100 des 4.800 employés ont bénéficié d’un plan de départs volontaires assez généreux. Les autres ont touché 88 % du salaire de base pendant les quatre mois d’inactivité. Les deux premiers mois, sans contrepartie, les deux derniers gagés sur les heures supplémentaires. « C’est une sorte de prêt que Honda nous a fait en nous réglant 250 heures supplémentaires par avance », explique Chanda Singh, syndicaliste dans l’usine. La perspective ne réjouit guère les employés qui voyaient dans ces primes un moyen d’arrondir leurs fins de mois. La pilule est d’autant plus amère que, début mai, Honda, toujours dans le rouge, a annoncé la suppression de 490 postes. Pour éviter les licenciements, les salariés ont accepté une baisse de salaire de 3 % contre le maintien – pour le moment – de leur emploi…
Allemagne : plan d’économies massives contre licenciements secs
Avant la crise, les conflits entre le syndicat IG-Metal et la direction de l’équipementier automobile Schaeffler étaient monnaie courante. Les temps ont bien changé… Le 26 mai, les partenaires sociaux ont trouvé un accord pour éviter les licenciements secs jusqu’à la mi-2010 en échange d’une baisse de 250 millions d’euros par an des dépenses de personnel.
Il s’agit donc d’économiser l’équivalent de 4.500 postes sur les 28.000 que compte le groupe en Allemagne. Chômage partiel, départs à la retraite, départs volontaires et, en dernier recours, baisse des salaires et des primes vont ainsi se mettre en place. Pour IG-Metall, un tel accord permet de « gagner du temps » en laissant passer la tourmente. Autre point de l’accord : les représentants des salariés constitueront désormais la moitié des membres du conseil de surveillance. En montrant sa volonté de sauver les emplois, Schaeffler a du coup bénéficié du soutien financier de l’État.
France : mobilité interne contre sureffectifs
Ajuster l’offre à la demande. Assystem, bureau d’étude et d’ingénierie employant 6.500 personnes, a pris ce paradigme économique à la lettre.
« Nous travaillons dans des domaines qui ne sont pas impactés de la même façon par la crise : dans l’automobile, nos commandes se sont effondrées, alors que nous enregistrons une forte demande dans le secteur de l’énergie », explique Emmanuelle Clapiez, la directrice des ressources humaines. Face à cette situation, l’entreprise a proposé à ses salariés, désormais au chômage technique, de renforcer les troupes du département énergie, en quête de main-d’œuvre. Ainsi, plus de 230 ingénieurs ont suivi une formation interne alternant cours classiques et exercices pratiques sous le regard bienveillant de tuteurs. Seul bémol : ces repositionnements internes ont entraîné un gel des recrutements. À l’exception de quelques profils très pointus…