Les chefs d'État et de gouvernement européens se sont mis d'accord pour entamer une procédure de réforme du Traité de Lisbonne. Des modifications jugées d'office assez limitées pour éviter de nouvelles ratifications démocratiques.
Malgré les réticences des jours précédents, les leaders européens réunis à Bruxelles, ont accepté les grandes lignes du plan franco-allemand proposant de mettre en place de nouveaux mécanismes de gouvernance économique de l'Union européenne, renforçant la discipline de la zone euro.
Lifting institutionnel
Pour y arriver, les 27 ont eu besoin d'une longue soirée de discussions et débats. Selon les conclusions des deux jours de réunion au sommet, la mise en place du plan franco-allemand passera par une réforme du Traité de Lisbonne.
L'élaboration de ce lifting institutionnel a été confiée au Président du Conseil européen, Herman van Rompuy avec mission de travailler de concert avec la Commission. Il rendra ses conclusions lors de la rencontre de fin de Présidence belge, prévue les 16 et 17 décembre.
D'ici là, deux axes de réforme doivent être explorées:
- Premièrement, permettre de pérenniser le mécanisme de sauvetage de la zone euro mis en place en mai dernier pour venir en aide à la Grèce et initialement prévu pour trois ans. En le rendant permanent, les États espèrent démontrer aux marchés financiers la force de leur union monétaire et éviter de nouveaux emballements comme au printemps dernier autour de la dette grecque. Pour y arriver, "les difficultés économiques" vont être rajoutées au Traité de Lisbonne comme raison pouvant autoriser l'intervention des États membres pour aider l'un d'eux.
Détail important: l'article rendant non obligatoire une intervention de l'UE en cas de faillite d'un de ses membres ne sera pas modifié. L'objectif est d'éviter de signer des chèques en blanc aux gouvernements qui refusent d'assainir leurs finances et de laisser planer la possibilité d'une banqueroute.
Faire plaisir à l'Allemagne
- Deuxième axe de travail, beaucoup plus délicat, est celui du retrait du droit de vote aux États ne se conformant pas au Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC). La France et l'Allemagne ont plaidé en faveur de cette mesure, ce qui a été – selon les mots du Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker – combattue de façon virulente par leurs partenaires.
Pour ne pas mécontenter la Chancelière allemande, Angela Merkel, le Conseil planchera sur cette problématique, mais il y a très peu de chance pour qu'elle aboutisse. Encore une fois, Jean-Claude Juncker a été clair, laissant planer peu de doute sur les chances de réussite.
Tour de passe-passe
Ces révisions du Traité de Lisbonne seront possibles via l'article 48 des textes en vigueur autorisant une procédure dite "simplifiée" de révision des Traités, permise si cela reste "limité". L'autre avantage de cette procédure est sa rapidité, puisque le Conseil a presque tout pouvoir. Le Parlement n'est que "consulté" n'ayant donc pas la possibilité de s'y opposer.
De plus, l'officialisation dans les textes du Fonds de sauvetage européen ne transfère aucune nouvelle compétence à l'Union européenne. Ainsi, même les Irlandais n'auront pas l'obligation d'organiser de référendum pour la ratification de la nouvelle version du Traité de Lisbonne. Un tel scénario était redouté par l'ensemble des chefs d'État conscients, l'expérience aidant, des risques encourus lors de ce type de tour de passe-passe.
Crainte partagée par la Commissaire européenne à la Justice, Viviane Reding qui avait exprimé son inquiétude, deux jours avant la tenue du Conseil, fustigeant l'attitude "irresponsable" de la France et de l'Allemagne, considérant que le texte actuel contenait bien assez de mécanismes pour venir en aide à un État en détresse.
10 ans de cafouillages institutionnels
Mais la mise en garde de la Commissaire européenne n'ont, semble-t-il, pas convaincu les leaders européens, qui via cette réforme, reconnaissent le caractère déjà obsolète du Traité de Lisbonne. Alors que lors de sa laborieuse ratification, ils louaient tous sa modernité et ses avancées qui devaient permettre à l'UE de mieux avancer, ils sont aujourd'hui à demander sa modification, moins d'un an après sa mise en application.
Mais après tout, le Traité de Lisbonne n'est qu'à quelques virgules près, un dérivé de la Constitution européenne, rédigée au début des années 2000. Il n'est pas possible de rattraper 10 ans de cafouillages institutionnels comme cela.
Et la manière dont les modifications sont apportées, en utilisant une procédure sujette à caution et en prenant soin de laisser les citoyens à l'écart, ne risque pas de les réconcilier avec l'Union européenne.