Mis en cause dans un nouveau scandale sexuel, Silvio Berlusconi répond par la provocation. Mais, cette fois, même ses alliés politiques, dénoncent sa "déroutante stupidité". Son gouvernement, impuissant face à la crise économique, pourrait être mis en minorité par Gianfranco Fini.
"Mieux vaut avoir la passion des belles femmes qu’être gay": cette nouvelle "macho-provoc" de Silvio Berlusconi n’est pas une gaffe, mais un message électoral. Le Premier ministre italien a officiellement lancé sa campagne contre celui qui sera probablement son principal adversaire, le Président de la région des Pouilles et leader du parti SEL (Sinistra Ecologia Libertà, Gauche,Ecologie et Liberté), Nichi Vendola, gay déclaré et icône politique préférée des jeunes.
Le Cavaliere affirme que sa majorité tiendra jusqu’à la fin de son mandat, en 2012, mais ce nouveau dérapage trahit son désir profond de provoquer une compétition électorale. Un défi qui, à 74 ans, l’électrise et l’exalte comme une conquête féminine. Dés lors, les limites verbales, le respect des minorités, les conséquences internationales pour son pays sont le cadet de ses soucis.
Le règne de Berlusconi est-il fini ? Fini est justement l’homme qui pourrait, ce week-end, sonner le glas de cette majorité qui n’existe plus vraiment. Futuro e Libertà, le nouveau parti du Président de la Chambre des députés, Gianfranco Fini, se réunira à Pérouse pour officialiser sa fondation et dicter ses conditions à la majorité. Sans un programme précis de réformes pour relancer l’économie, le parti Peuple de la Liberté de Berlusconi et la Ligue du Nord n’auront plus le soutien de cette nouvelle droite qui entend se démarquer du populisme. Et des frasques du premier ministre…
Chaque jour, on découvre une nouvelle escort-girl parlant de ses nuits avec Berlusconi. Hier c’était le tour de Nadia Macrì, 28 ans, qui a raconté aux magistrats de Palerme avoir été payée deux fois 5 000 euros pour offrir ses services au Premier ministre.
Une "déroutante stupidité"
Quand on apprend, par ailleurs, que le Premier ministre appelle un commissariat de police pour demander la libération d’une personne interrogée, en la faisant passer pour la nièce du président égyptien Hosni Moubarak, la patience de l’électorat touche à sa fin. Parce que cette histoire est beaucoup plus simple que les autres et qu’il n’y pas de défense possible : le leader d’un gouvernement qui lutte contre l’immigration clandestine et la criminalité commet un abus de pouvoir pour libérer une Marocaine mineure, Ruby, accusée de vol et prostituée.
Un geste d'une "stupidité déroutante", reconnait Maurizio Belpietro dans le quotidien Libero. Un journaliste qui a jusqu'ici défendu Berlusconi dans tous les talk-shows télévisés. "Une grosse connerie", accuse son principal allié politique Umberto Bossi, alors que les jeunes internautes du site Forzasilvio.it commencent à exprimer leur déception. La plus limpide est la jeune Marocaine Ruby, la fille à l’origine du scandale, qui vient d’avoir 18 ans :
Silvio m’a seulement aidée, mais il doit faire plus attention aux gens qui franchissent le seuil de sa maison.
Ce n’est pourtant pas ces scandales sexuels à répétition qui vont contraindre Berlusconi à démissionner. C’est surtout l'incapacité de son gouvernement à prendre des décisions pour faire face à la crise économique. Le taux de chômage ne cesse de monter, les plans sociaux dans l'industrie se multiplient, le sud du pays est plus que jamais gangréné par la mafia et que fait le gouvernement? Il veut mettre en place un bouclier juridique pour empêcher Berlusconi d’être convoqué dans l’un de ses innombrables procès. Depuis 1994, pas moins de dix-neuf lois ont été approuvées dans ce but.
Gouvernement de "solidarité nationale"
Ainsi l'Italie, qui dans une semaine doit présenter face à la Commission Européenne son plan de recouvrement de la dette publique, se retrouve pour la énième fois empêtrée dans les scandales. Les intellectuels demandent d’une seule voix des élections immédiates. Même le patronat s'insurge face à cette "paralysie politique" et demande "un changement radical".
On a beau dire que tous ces scandales auraient fait tomber la majorité dans n’importe quel pays civilisé d’Occident, en Italie tout est différent. Tout est considéré comme faisant partie du jeu politique, même les enquêtes judiciaires. Mais cette fois, cette Ruby pourrait bien provoquer la chute du Cavaliere. C'est l'affaire de trop.
On évoque de plus en plus souvent une possible alliance de circonstance entre les post-communistes du Parti Démocrate, les démo-chrétiens du centre et la nouvelle droite de Fini au sein d'un gouvernement de transition. Ils proposeraient au président de la République de former ce gouvernement de "solidarité nationale" après avoir mis en minorité celui de Berlusconi. Ce serait une prise de responsabilités inédite dans un pays qui vit une transition institutionnelle depuis 1992 : le but commun serait de changer la loi électorale. Puis, le pays pourrait retourner aux urnes. Une campagne électorale qui permettra à Berlusconi de jouir d'un moment privilégié pour stigmatiser les gays, ses nouveaux ennemis après les magistrats et les communistes.