Crime à la carte sur Internet
Le site police.uk met à disposition des internautes une carte des crimes répertoriés à travers l'Angleterre et le Pays de Galles. En novembre 2010 déjà, deux jeunes Anglais avaient créer la polémique en lançant une carte des meurtres de la capitale britannique. Ils y indiquent les détails de chaque affaire depuis les crimes non élucidés de Jack l’éventreur en 1888.
Plus de 18 millions de connexions en une heure et des serveurs qui disjonctent. Les internautes d'Angleterre et du Pays de Galles ne sont sont pas rué sur la dernière vidéo d'un chanteur à la mode ou les exploits des attquants de Manchester United. Non, ils se sont précipité sur le site de la police : une carte y précise, rue par rue, les crimes commis le mois précédent.
Les internautes inscrivent sur la page d'accueil le nom de leur localité. Les données sont alors affichées en six rubriques: cambriolages, vols, atteintes aux véhicules, criminalité violente, comportements anti-sociaux (nuisances sonores, injures, vandalisme…) et "autres crimes" – une catégorie qui comprend notamment les viols.
Le site, qui a coûté 300 000 livres (soit plus de 350 000 euros), "va donner aux gens les vrais chiffres et inciter la police à rendre des comptes", explique la ministre de l'Intérieur Theresa May.
"Grosse farce"
Les vrais chiffres? La fiabilité des données envoyées par certains département de police est déjà remise en cause. Pas moins de 136 crimes auraient ainsi été commis dans Surrey Street, une impasse assez peu fréquentée de Porthsmouth. Improbable. "Si le cas de Portsmouth est représentatif, ce site une une grosse farce", a déclaré Eleanor Scott, la conseillère municipale en charge de la sécurité.
Le système du "crime mapping", déjà en vogue aux Etats-Unis depuis plusieurs années, est régulièrement accusé de fausser le marché de l'immobilier. Pire : censée informer et rassurer, la carte des crimes inquiète. Sans aider à la résolution des enquêtes.
Murray Lee, directeur de l’institut de criminologie de Sydney, l'explique au Guardian : "Les cartes du crimesont formidablement séduisantes (…) Ce ne sont pourtant pas des représentations de la réalité, mais des artefacts socio-politiques (…) ces cartes ne serviront à rien dans la lutte contre la criminalité."
Jack l'Eventreur
Aucune indication quant à la résolution des affaires n'est d'ailleurs disponible sur le site de la police. Une lacune que Nick Cullen et Peter Stubley comblent depuis novembre 2010 – mais seulement pour Londres – sur leur propre site, MurderMap. Ce dernier recense l’ensemble des meurtres perpétrés à Londres depuis les crimes non élucidés de Jack l'Eventreur en 1888 et enregistrés dans les archives de la cour criminelle centrale d’Old Bailey.
Pour les meurtres les plus récents, l’état d’avancement de l’enquête est mis à jour en temps réel. On peut ainsi lire que :
La police recherche des témoins pour les meurtres de deux hommes lors d’une fusillade dans une résidence à Islington, dans le Nord de Londres. Lee Wallace, 25 ans, et Jason Hassan, 28 ans, ont été attaqués sur BritanniaRow à 4h30 du matin mardi 9 novembre 2010". Ou encore : "Les détectives offrent désormais une récompense de 20.000 livres sterling (23.000 euros) pour des informations sur le meurtre d’Ailton Campos De Oliveira, 16 ans, le 4 juillet 2010.
Mais ce n'est pas sa seule raison d'être, expliquent les deux fondateurs:
MurderMap vise à être un forum d’idées sur la justice criminelle et les politiques sociales ainsi qu’une source de documentation pour quiconque est soucieux de faire face aux dangers auxquels les Londoniens sont aujourd’hui confrontés
Tous les détails sur les victimes
Les critiques n’ont pourtant pas tardé. Un porte-parole de l’association "Soutien aux victimes" estime"difficile de trouver une justification à ce site. Ceux du gouvernement et de la police permettent déjà à tout le monde de vérifier le niveau de crime d’un quartier de manière bien plus appropriée".
Le forum du site MurderMap ne cache pas les états d’âme des visiteurs. Pour Matt Hodges, de Lancaster:
La manière dont ce site traite les victimes est écœurante, tout comme son absence de respect pour les familles. Il glorifie presque le meurtre – on n’est pourtant plus au 19e siècle et de nombreuses victimes laissent des familles en deuil derrière elles.
Les crimes apparaissent, en effet, sur la carte Google de Londres marqués par un "M" comme meurtre. La couleur de la lettre correspond à l’arme utilisée : couteau, arme à feu, étranglement, poison, véhicule, bombe, objet pointu, autre ou aucun. En cliquant sur l’un des lieux, tous les détails connus sont disponibles : une photo de la victime, son statut ainsi qu’une explication des conditions du crime et de la mort de la victime.
Ian Baynham, 62 ans, a été frappé et piétiné à mort devant des dizaines de touristes à Trafalgar Square. Il sortait avec un ami le 25 septembre 2009 quand il est tombé soudain dans ce que la police décrit comme une attaque homophobe. Mr Baynham a subi des dommages cérébraux et est décédé à l’hôpital deux semaines plus tard le 13 octobre. Joel Alexander, 19 ans, et Ruby Thomas, 18 ans, attendent leur procès pour assassinat.
Au-delà de ces détails, des indications plus générales apparaissent grâce à la carte. Plus de la moitié des victimes ont été tuées à l'arme blanche.
Jouer à se faire peur
Les autorités londoniennes ont lancé une vaste campagne de publicité pour encourager les jeunes à ne pas se promener avec un couteau, de nombreux crimes faisant suite à une simple altercation.
Quels sont les endroits les plus dangereux de Londres ?
Si la City et les quartiers bourgeois de l’ouest sont relativement épargnés, les anciens quartiers ouvriers de l’est (Hackney), du nord-est (Finsbury Park, Tottenham) et du sud (Elephant And Castle, Camberwell, Brixton) regroupent la grande majorité des meurtres.
Là encore, une distinction apparaît avec une prédominance dans le sud de règlements de compte inter-gang et donc de meurtres par arme à feu.
Good trip!
Article actualisé le 3 février 2011, à 13h36