Le gouvernement britannique va proposer l’interdiction de logos et de couleurs sur les paquets de cigarettes. Cette mesure vise à contrer l’influence du marketing sur les plus jeunes et à réduire le nombre de fumeurs précoces.
Le gouvernement britannique part en guerre contre la cigarette. Le ministre de la santé, Andrew Lansley, veut interdire logos et couleurs sur les paquets de cigarettes. Ceux-ci deviendraient uniformément marron ou gris. Seuls les renseignements de base concernant leur impact sur la santé ainsi que leur marque resteront indiqués. Le ministre affirme que:
La preuve est faite que les paquets aident à recruter les fumeurs donc il paraît sensé de les rendre moins attrayants.
Les associations de médecins applaudissent. "Il existe la preuve que les jeunes trouvent les paquets attirants", assure l’un des porte-parole de l’association médicale britannique. "Et nous savons que l’industrie du tabac dépense d’énormes montants sur ce marketing pour améliorer leur marque et accroître leurs ventes". Selon Martin Dockrell, d' "Action sur la cigarette et la santé" les cigarettiers surnomment le paquet de cigarettes "l’agent commercial silencieux" (Silent salesman) car il se vend tout seul du fait de son packaging élaboré. Résultat: un jeune de quinze ans sur sept serait un fumeur régulier.
Un coût exhorbitant
La position d’Andrew Lansley a néanmoins surpris les industriels. Les conservateurs s’étaient, en effet, largement opposés à cette idée lorsqu’elle avait été proposée en 2008 par le gouvernement travailliste. L’équipe de Gordon Brown, l’ancien premier ministre, s’était montrée relativement offensif sur cette question: en plus d’annoncer sa volonté de réduire le nombre de fumeurs de 10% d’ici à 2020, elle avait déjà fait voter en 2008 une loi interdisant aux commerçants d’exposer les paquets de cigarettes dans leur magasin. Une loi similaire, déjà appliquée en Islande et au Canada, a effectivement permis de réduire de 10% le nombre de jeunes fumeurs. Celle-ci est sensée entrer en vigueur à partir du début de l’année 2011 en Grande-Bretagne, sauf contre-ordre peu probable du gouvernement actuel.
Le changement de cap des conservateurs s’explique sans nul doute par leur obligation de réduire les dépenses de l’Etat. La cigarette causerait chaque année 80.000 morts et coûterait 2,7 milliards de livres sterling (4 milliards d'euros) au service national de santé. "Tout cet argent pourrait être utilisé pour éduquer nos enfants et pour soigner le cancer" a ajouté Andrew Lansley.
Les entreprises ont évidemment critiqué la sortie du ministre. Outre qu’il n’existe, selon le directeur de l’Association des producteurs de tabac, Christopher Ogden, aucune preuve selon lui de l’influence des paquets sur les jeunes:
des paquets sans habillage risquent d’accroître le marché noir car ils seront bien plus aisés à contrefaire que les paquets actuels. Et les consommateurs auront donc plus de difficultés à reconnaître les vrais des faux.
Nouvelle vague antitabac en Europe
À partir de janvier 2011, l’Espagne –pays relativement permissif avec le tabac jusqu’à présent- deviendra le territoire le plus restrictif au monde en matière de cigarettes. Ses habitants ne pourront plus fumer dans les bars ou les restaurants, comme à la porte des écoles, des hôpitaux ou d’un square en présence de mineurs.
Pionnière dans l’interdiction de fumer dans les lieux publics, l’Irlande avait banni la cigarette dans les bars en mars 2004. Depuis, pratiquement toute l’Europe lui a emboîté le pas. Pourtant, depuis 1999, encore 51 millions de personnes sont mortes d’affections liées au tabagisme dans le monde et, selon la Convention contre le tabagisme –organisation réunissant 171 États-, la demande et la production de tabac ne cesse d’augmenter. Pour l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), 94% de la population de la planète ne serait pas "protégée" par des lois anti-tabac.
L’Europe n’est plus seule dans cette croisade : l’étau se resserre sur tous les continents. En 2010, la Syrie a été le premier pays arabe à interdire de fumer au travail et dans les lieux publics, tandis que la Chine prévoit de faire de même en 2011. Les Chinois consomment, à eux seuls, un tiers de la production mondiale de tabac.
Les producteurs de tabac évoquent quant à eux la possibilité d’une "catastrophe humanitaire" en Afrique si la production est réduite de manière drastique si les mesures anti-tabac se multiplient. Info ou intox ? Les multinationales du tabac sont, plus que jamais, prêtes à utiliser les arguments les plus fallacieux pour freiner la volonté des États de réglementer la consommation de cigarettes.