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Le Portugal en grève générale

mercredi, 24 novembre, 2010 - 01:13

La grève générale au Portugal contre l'austérité a touché tous les secteurs: transports, santé, éducation… Selon les syndicats, le mouvement a été également "massif" dans les grandes entreprises. Une première depuis 22 ans pour protester contre la politique d'extrême rigueur mise en oeuvre par le gouvernement pour tenter de rassurer les marchés financiers.

Cela ne s’est produit que deux fois dans toute l’histoire de la démocratie portugaise. Une grève générale à l’appel des deux centrales syndicales du pays. La CGTP – Confédération Générale des Travailleurs, proche des communistes et l’UGT – Union Générale des Travailleurs, proche des socialistes. Une rareté donc, puisque c’est la deuxième fois en 36 ans que le Portugal est paralysé.

Car il est bel et bien paralysé, ne serait-ce que par la mobilisation importante dans les transports. Plus de 300 vols sont annulés par les cinq plus grandes compagnies aériennes qui desservent les aéroports de Lisbonne et Porto : les échanges avec la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne vont être perturbés.

Tout comme la vie de 1,5 million de personnes qui vivent ou travaillent à Lisbonne. Pas ou peu de ferries, pas de métro et pas de bus. Pas de train non plus alors que les chemins de fer ont commencé à débrayer dès 17 heures mardi. La paralysie dans les transports sera d’autant plus visible que la plupart des entreprises ne vont pas disposer de services minimum, à l’exception des trains dont 15 % devront circuler selon la loi.

Les fonctionnaires en tête

La santé, l’éducation, le ramassage des déchets devraient être aussi affectés : les fonctionnaires publics sont les premiers concernés par les mesures d’austérité. Mais ils ne sont plus les seuls.

C’est ce qui nous a amené à décider d’adhérer à la grève : l’austérité touche tout le monde, les classes moyennes, les travailleurs. De plus, les mesures annoncées par le gouvernement prévoient des coupes sombres dans les aides sociales et le gel des pensions. Mais plus que l’austérité, nous voulons combattre les politiques qui ne concernent que la réduction des déficits, et réclamons des politiques de relance de la croissance et en faveur de l’emploi" explique João Proença, le leader de l'UGT, à myeurop.

Sa centrale – qui revendique entre 350 et 450 000 adhérents – en perte de vitesse, est revenue sous les feux de la rampe. Proche idéologiquement du parti socialiste au pouvoir, l’UGT a laissé à la CGTP le rôle principal de l’action syndicale, notamment dans l’éducation nationale. "De nombreux courants différents cohabitent au sein de la centrale", concède João Proença, "mais la décision d’adhérer à la grève a été prise à l’unanimité".

Le syndicaliste, tout comme son confrère de la CGTP, Manuel Carvalho da Silva sait qu’il sera difficile de mesurer l’impact de la grève, "compte tenu des pressions insidieuses exercées sur les travailleurs". Bon nombre de Portugais sont résignés. Ils sont nombreux à dire qu’ils soutiennent le mouvement, mais qu’ils n’y prendront pas part.

Néanmoins  le mouvement est était qualifié à la mi-journée de "massif" dans les grandes entreprises du secteur privé, et plusieurs usines étaient à l'arrêt, notamment dans la construction automobile, avec, par exemple, plus de 90% de grévistes à Autoeuropa, la transformation du papier ou du liège.

Ras-le-bol, tristesse et début de colère

Les Portugais confrontés à une crise économique sans précédent, avec un chômage qui frôle les 11 % de la population active (il était d’à peine 7 % il y a trois ans ) avouent leur tristesse. La précarité s’installe et les classes moyennes sont désormais concernées par les fins de mois difficiles. Les Portugais réduisent toutes leurs dépenses, et les achats de produits alimentaires diminuent. Pire si l’on veut, les mesures d’austérité qui seront adoptées vendredi 26 novembre pour le budget 2011 vont obliger les Portugais à serrer d'un cran supplémentaire leurs ceintures.

Mais ils se lassent d'avaler les couleuvres de l'austérité. Alors de ci, de là, ceux qui osent affronter la peur réelle ou imaginaire de perdre leur emploi se laissent aller librement à leur colère. Discrètement, sans effusion, bien dans l’habitude des Portugais, ces méditerranéens de l’Atlantique.

Diaporama. Photos: Marie-Line DARCY




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