Le Portugal a adopté un budget d’austérité qui n'épargne personne. Pourtant, le Premier ministre socialiste, José Socrates, croit toujours à sa bonne étoile et affiche une étonnante confiance dans la capacité de son pays à sortir sans trop de casse de la crise économique et financière. Entretien.
Nous avons un budget, son approbation est une bonne nouvelle pour notre pays. C’est un pas vers la voie du retour à la confiance des marchés. Notre pays va revenir à 4,6 % du déficit l’an prochain, et nous serons ainsi dans le peloton des pays qui auront le mieux réduit leurs dépenses
Le premier ministre portugais, José Socrates s'est voulu optimiste et confiant en recevant hier myeurop, avec d'autres médias étrangers, à Lisbonne. Le chef du gouvernement, visiblement soulagé et détendu, avait déjà brièvement montré sa satisfaction en levant le pouce en direction des rangs des députés socialistes à l’Assemblée nationale qui a approuvé vendredi 26 novembre le budget de rigueur pour 2011.
Peu avant le vote final le PSD (Parti Social Démocrate, principal parti de droite dans l’opposition) avait lancé une sévère mise en garde au gouvernement: il n’aura pas le droit à l’erreur dans l’application des mesures. La droite sociale démocrate reproche au premier ministre d’avoir trop attendu pour prendre ces mesures impopulaires, tandis que la droite chrétienne l’accuse d’avoir surtout privilégié sa réélection en octobre 2009.
A l’extrême gauche, c’est l’hallali contre un gouvernement socialiste accusé de brader l’état social. Un climat délétère alors que le taux de remboursement de la dette extérieure portugaise a atteint ces derniers jours des plafonds , dépassant les 7 %. Et le vote du budget de rigueur n'a rien changé.
Dans l'attente d'un nouveau miracle
Il n’y a aucune raison économique pour expliquer la méfiance des marchés. Pas de bulle immobilière et pas de problèmes bancaires. Le Portugal a toutes les capacités de se financer sur les marchés, comme cela a toujours été le cas. Restait la question du budget, il est maintenant adopté.
José Socrates martèle ses mots destinés à rassurer la communauté financière internationale. Une méthode Coué qui lui a plutôt réussit jusqu’à présent. Il s'est ainsi forgé une image d’entêté à la détermination infaillible – un autiste disent ses détracteurs.
Le premier ministre rappelle avec une certaine délectation qu’il a déjà réduit les déficits, lors de son premier mandat – 2005/2009- en anticipant ainsi d’un an le retour à l’équilibre relatif inscrit dans le programme de croissance et stabilité fixé par Bruxelles pour 2008. Socrates qui croit en sa bonne étoile espère reproduire ce "miracle". A condition toutefois de bénéficier d’une accalmie des marchés et d’éviter la crise sociale.
Non sans ironie, le premier ministre questionne "Quelle grève générale?" à propos du mouvement de protestation organisé mercredi 24 novembre par les deux grandes centrales syndicales du pays, l’UGT et la CGTP. José Socrates aime cultiver la provocation et n’emploie jamais le mot "austérité", mais plutôt ceux de "mesures difficiles". Tout comme il balaie d’un revers de mains les critiques sur son attitude électoraliste que lui prête l’opposition.
La rue gronde ? Même pas. Le chef du gouvernement sait qu’il peut compter sur une certaine apathie de la population, pour qui les manifestations sont encore vues comme une arme revendicative à utiliser avec parcimonie. Socrates s’en remet à la résignation ambiante.
Les sondages ne sont plus favorables au clan des socialistes ? Des rumeurs courent sur un changement de gouvernement, voire même sur la convocation d’élections législatives anticipées après la présidentielle de janvier ? Avec quelques pirouettes le Premier ministre change habilement de sujet.
Noël sans paillettes
Les fonctionnaires qui ont déjà, à plusieurs reprises, fait les frais des politiques de réduction des dépenses, ne sont plus seuls. Car c’est désormais toute la population portugaise qui est concernée par le retour à l’équilibre. Les classes moyennes vont être davantage ponctionnés et la TVA augmente de 2 points, à 23 % (elle avait déjà été relevée de 1 point en juillet dernier). La plupart des aides sociales sont réduites voire supprimées, les pensions sont gelées.
Les premiers six mois de l’année 2011 vont être décisifs, tout le monde le sait au Portugal. Signe des temps, par manque d’argent ou souci d’économie, la plupart des mairies du pays ont diminué les illuminations pour les fêtes de fin d’année dans les rues. Quant elles ne les ont pas purement et simplement supprimées. Triste Noël.