La mobilisation des Etats européens pour conjurer les risques de faillites bancaires est à la mesure de la gravité de la crise financière. La mise de cette partie de poker continentale ? Plus de 4.500 milliards d’euros.
A la base du jeu de poker : le bluff. C’est, en simplifiant, l’arme utilisée par les Etats pour conjurer le risque systémique qu’a fait courir à l’économie mondiale le crise financière de 2008-2009.
On en prend la juste mesure en examinant les chiffres publiés récemment par la Commission européenne. Face au spectre d’une panique généralisée qui aurait vu les déposants retirer leur épargne des banques et provoquer des faillites en cascade, tous les gouvernements – et, notamment, ceux des pays membres de l’Union européenne – ont fait passer le message : "personne ne sera lésé", "nous ne laisserons pas tomber les banques", "nous garantissons les dépôts des particuliers et des entreprises".
Mais toutes ces promesses ont un prix. Pour être crédible, cela suppose d’être en capacité de mobiliser des sommes énormes. Et comme la Commission européenne contrôle les aides publiques consenties par les Etats-membres au secteur non-étatique afin d’éviter les distorsions de concurrence, elle a autorisé les pays qui en ont fait la demande (22 Etats-membres sur 27) à mobiliser d’octobre 2008-octobre 2010 un certain montant d’aides pour conjurer la crise.
Tout le pactole n’a pas été mis sur le tapis
La somme totale est sidérale : 4.589 milliards d’euros, soit l’équivalent d’une année de production de l’Allemagne et de la France réunies ! Les pays les plus demandeurs sont dans l’ordre : le Royaume Uni (850 milliards) ; l’Irlande (723 milliards) ; le Danemark (599) ; l’Allemagne (592) ; la France (351) ; l’Espagne (334) ; les Pays-Bas (323) ; la Belgique (328)… etc. On mesure la vulnérabilité de certains systèmes bancaires par le rapport entre la richesse nationale et l’aide autorisée, maximale dans le cas de l’Irlande et du Danemark, très élevée pour la Belgique et les Pays-Bas.
Evidemment – et heureusement ! – tout ce pactole n’a pas été mis sur le tapis. En fait, pour l’année 2009, le montant des aides notifiées à la commission n’a été « que » de 1.106 milliards d’euros. « Aide notifiée », cela signifie que les Etats indiquent à la Commission les montants sur lesquels ils se sont engagés compte tenu de la situation et des besoins concrets de leur système financier.
Mais même le chiffre de 1.106 milliards ne correspond pas à des dépenses effectives. Plus de 750 milliards d’euros représentent des garanties publiques apportées aux banques sur leurs dépôts. A part quelques très rares exceptions, ces garanties n’ont pas eu à jouer et l’Etat n’a rien déboursé. En réalité, l’aide effective au secteur financier n’a été « que » de 351 milliards en 2009, dont 139 au titre des recapitalisations, 128 au titre des avantages pécuniaires tirés des garanties bancaires et 75 au titre des actifs dépréciés. Des sommes qui, pour une grande partie, ont déjà été remboursées.
Cela dit, les craintes autour de la solvabilité des banques irlandaises montrent combien ces matelas de sécurité restés pour l’instant dans le placard peuvent s’avérer utiles en cas de péril. En 2010, le coût du sauvetage irlandais aura dépassé les 50 milliards d’euros. C’est lorsque le feu est dans la maison que l’on commence à pomper dans la citerne des pompiers…