Malgré les très gros avantages offerts, l’auto-entreprise en France ne constitue pas un phénomène économique d’envergure. Ce n’est pas le cas en Allemagne, au Royaume-Uni ou au Danemark.
La petite entreprise ne connait pas la crise ? En juillet 2010, près de 524.000 personnes s’étaient enregistrées comme "auto-entrepreneur" en France, un statut créé 18 mois plutôt. Près de la moitié des créations d’entreprises se font sous ce statut, qui bénéficie de démarches simplifiées et d’un régime fiscal avantageux.
L’auto-entrepreneur est d’abord dispensé d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Il lui suffit de s’inscrire sur internet sur www.lautoentrepreneur.fr ou auprès du Centre de formalités des entreprises (CFE). Plus important : il règle ses impôts, charges sociales forfaitairement et uniquement sur ce qu’il encaisse. Autre avantage de taille, l’auto entrepreneur n’est pas soumis à la TVA ni à l’impôt sur les sociétés et est exonéré de la taxe professionnelle pendant trois ans à compter de la création de son activité.
Pourtant, malgré ces avantages appréciables, le succès de l’auto-entreprise reste mitigé. Alors que le système a pour objectif de procurer un revenu de complément, moins de 40% des entrepreneurs individuels ont déclaré un chiffre d’affaires positif pour le 2ème trimestre 2010. Et, parmi la minorité ayant déclaré exercer une activité en 2009, le chiffre d’affaire annuel moyen ne ressortait qu’à 6 300 euros. De quoi mettre un peu de beurre dans les épinards, mais guère plus.
"S’il n’y a pas d’emploi, créez votre propre emploi". L’idée séduit aussi dans d’autres pays européens qui expérimentent des formes juridiques proches de l’auto-entreprise. Faute de mieux, diront les mauvaises langues, et parce que le statut d’entrepreneur individuel offre le plus souvent un régime fiscal avantageux. Attention tout de même : passé la création en trois clics sur Internet, les obligations peuvent être lourdes. Sans aucune assurance de réussir à vivre de cette activité.
Un succès en Allemagne
Malgré un soutien assez limité des pouvoirs publics, l’entreprise individuelle est la forme la plus fréquente d’entreprise en Allemagne et affiche un succès croissant. Selon Destatis, l’office fédéral des statistiques, il y a eu entre janvier et août 2010, 411.000 nouvelles entreprises individuelles, soit 82,2 % de l’ensemble des créations d’entreprises sur la même période et 6 % de plus qu’en 2009. Parallèlement, 312.000 ont disparu. Pas plus (selon l’institut Creditreform) que les autres formes juridiques. En 2010, on estime le taux de faillite à 0,94 %, contre 2,02 % pour les SA et 1,56 % pour les SARL (Gmbh).
La création d’une société individuelle marchande (eingetragene Kaufmann ou e.K.) est très simple, d’autant qu’aucune exigence minimum de capital n’est prévue. Il suffit simplement de s’enregistrer au registre du commerce et auprès de l’administration fiscale. Si la création d’une entreprise individuelle est très aisée, les devoirs qui y sont liés sont très lourds et empêchent souvent la création de sociétés fantaisistes. Le fondateur de cette entreprise doit ainsi tenir un bilan comptable – certes simplifié – et est responsable sur ses fonds propres, et sans limite, des résultats de l’entreprise.
Fiscalement, les bénéfices de l’entreprise sont imposables au titre de la taxe professionnelle à partir de 24.500 euros annuels. Jusqu´à 20 000 euros de chiffre d´affaires, l’entrepreneur individuel n´est pas obligatoirement assujettie à la TVA. A partir de 20 000 euros de chiffre d’affaire, la TVA est obligatoire à 19,7% et 7% pour les activités créatives.
Souplesse en Espagne et en Italie mais l’impôt reste lourd
En Espagne, les démarches pour créer une entreprise individuelle (Empresario individual) ne sont pas bien compliquées non plus : se déclarer auprès de la sécurité sociale, demander l’autorisation de commencer son activité et enfin s’enregistrer pour payer l’impôt sur les activités économiques. Aucun capital minimum n’est exigé. Revers de la médaille : Le patrimoine de l'entreprise est confondu avec celui du chef d'entreprise, qui est responsable de l'intégralité des dettes de l'entreprise. S'il est marié, tous les biens communs sont même susceptibles d'être engagés.
L’auto-entrepreneur doit par ailleurs acquitter tous les mois une certaine somme au régime spécial des travailleurs indépendants, même si son activité ne lui procure aucun revenu ou s’il est malade. A l’inverse, si l’entreprise marche bien et que les bénéfices sont importants, le taux des impôts peut être supérieur à celui de l’impôt sur les sociétés (35%).
Panorama similaire en Italie où la constitution d’une entreprise individuelle est rapide et peu coûteuse en frais administratifs. Cela dit, la fiscalité sur les bénéfices est assez lourde puisque le prélèvement forfaitaire est de 23% pour les profits inférieurs à 15.000 euros l’an mais il peut atteindre 43% pour les profits supérieurs à 75.000 euros annuel. Les entreprises individuelles sont néanmoins dispensées de la taxe régionale sur la production (IRAP). Enfin, les obligations en matière de charges sociales restent assez souples et se font en bonne partie sur une base volontaire.
Le Danemark très protecteur
Au Danemark, les 400.000 (!) auto-entrepreneurs ou entrepreneurs individuels sont protégés. Ils ont droit aux congés maladie, congés maternité ou paternité (14 semaines selon une directive européenne de 2008), à la retraite bien sûr, même s'ils cotisent en général deux fois moins que les salariés. Ils ont également droit au chômage pour peu qu’ils cotisent à une caisse d'allocation chômage.
Pour ce qui est des impôts, c'est assez compliqué puisque le régime dépend de l'activité de la personne en question: consulting, freelance, activités donnant lieu au paiement d'honoraires… Il dépend surtout de la rentabilité de l'activité. C'est d'ailleurs tellement compliqué que l'office des impôts a décidé de les aider, car les auto-entrepreneurs commettent des erreurs dans 45% de leurs déclarations d'impôt…
Le « self employed » très avantagé au départ
Le statut d'entrepreneur individuel existe au Royaume-Uni sous l'appellation "self employed". L'auto-employé paie les mêmes impôts sur le revenu que les employés. S'il touche plus de 4.875 livres sterling et moins de 64.000 livres sterling (soit entre 5.500 euros et 74.000 euros), il doit également contribuer à sa propre assurance nationale (8% de ses revenus), qui lui sert pour sa retraite, sa couverture santé, etc. Au delà de 64.000 livres sterling par an, il devra payer la TVA à l'Etat (17,5% jusqu'au 4 janvier 2011 puis 20%).
Il peut également déduire de nombreux frais de ses revenus. Mais l'un des principaux avantages mis en place par le gouvernement est que l'auto-employé ne paiera pas d'impôts avant le mois de janvier suivant sa première déclaration de revenus (en avril de chaque année). Un répit plus que nécessaire pour quiconque lance sa propre affaire…
En Suède, le système est simplifié : on se déclare auprès de l’administration fiscale, l’intéressé reçoit ensuite un numéro d’immatriculation. Seul le bénéfice de son entreprise est imposé. Les prestations sociales sont de l’ordre de 30% du revenu. Cependant ce statut reste rare, les suédois salariés ne recourant guère à de telles sociétés parallèlement à leur activité principale.
En Belgique, le statut d’auto entrepreneur n'existe pas. Il ne peut se construire autour de la personne. La plus petite structure s’appelle SARL Starter : une micro entreprise sans capital de départ (1euro).