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Etat d’urgence: l’Espagne militarise ses contrôleurs aériens

vendredi, 10 décembre, 2010 - 09:28

A grève sauvage, réponse sauvage : José Luis Zapatero vient de justifier l’état d’urgence pour mettre au pas les contrôleurs aériens qui paralysaient le trafic aérien. Une première depuis Franco! Les contrôleurs sont de nouveau à leur poste. Sinon ils étaient déserteurs...

Ils sont riches (200.000 euros par an, selon le dernier accord salarial, plus de 300.000 euros auparavant), font moins d’heures que la plupart de leurs concitoyens (32 heures par semaine en moyenne, supérieure à la moyenne européenne) et en plus, ils se plaignent.

Les contrôleurs aériens sont les mal-aimés de l’Espagne. Face à leur mouvement de grève "sauvage", c’est-à-dire hors des clous légaux, lancé vendredi dernier à la veille du plus long pont de l’année en Espagne, rares sont les Espagnols qui ont reproché au gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero d’avoir décrété "l’état d’urgence" pendant quinze jours. Mesure radicale : cela a permis de soumettre les aiguilleurs du ciel à l’autorité du Ministère de la Défense en les faisant passer du statut civil à celui de militaires mobilisés. Encourant des peines pouvant aller jusqu’à huit ans de prison, les contrôleurs ont alors repris le travail.

Union nationale

C’est la première fois depuis la fin du franquisme que l’article 116-2 de la Constitution est utilisé. Le gouvernement a justifié cette mesure par le caractère exceptionnel du conflit qui l’oppose aux contrôleurs aériens depuis un an. Ces derniers n’ont, en effet, jamais accepté les modifications de leurs conditions de travail en termes de retraite, de temps de travail et de salaire.

600.000 passagers ont été cloués au sol du fait de la fermeture de l’espace aérien espagnol. "Nous ne sommes pas face a un conflit du travail mais face à un défi, à un outrage aux lois et à l’ordre constitutionnel", a souligné jeudi le chef du Gouvernement socialiste pour justifier cette mesure, devant les députés. "Et ça, un Gouvernement démocratique ne peut pas le permettre", a-t-il poursuivi.

Outre le soutien massif de la population et des médias, Zapatero a obtenu le renfort du Parti Populaire, PP, qui est sorti de la contestation systématique pour appuyer la décision gouvernementale. Certains partis ont toutefois souligné le danger que suppose un tel précédent, tout en se démarquant du mouvement des contrôleurs, qualifié de "chantage" par les médias et les politiques.

Ainsi, Gaspar Llamazares, représentant au Parlement du parti de gauche Izquierda Unida, a dénoncé l’abus constitutionnel que constitue la mesure. Par ailleurs, d’aucuns rappellent que dans un pays de tradition démocratique récente, l'instauration de l'état d'urgence pour soumettre une corporation récalcitrante est moins anodine que dans d’autres Etats européens.

Ciel unique européen

Les conflits avec les "chefs d’orchestre des airs", comme on les appelle en Allemagne, n’ont, il est vrai, jamais pris une telle ampleur ailleurs en Europe, malgré leur pouvoir de blocage du ciel aérien qui permet de paralyser tous les aéroports d'un pays. Ainsi, en Allemagne, où les contrôleurs gagnent en moyenne 116.000 euros par an, leur grève menée en avril dernier pour une meilleure répartition de leur temps de travail a été résolue par la négociation.

En France, selon le dernier rapport de la Cour des Comptes, les aiguilleurs du ciel travaillent en moyenne une centaine de jours par an, un chiffre contesté par certains syndicats. Leur salaire moyen est environ de 100.000 euros par an, soit moins que la pluparts de leurs collègues européens. Les derniers mouvements de grève concernent le projet de fusion d’ici 2012 du contrôle aérien en France, Allemagne, Suisse et Benelux, dans le cadre du "Ciel unique européen". Les 4.000 contrôleurs du ciel français craignent notamment un démantèlement de la DGAC (Direction générale de l'aviation civile) et des suppressions d’emplois.
 


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