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Paradis fiscaux : les grandes entreprises toujours accros

lundi, 13 décembre, 2010 - 10:48

Peu disertes sur leurs implantations et activités dans les paradis fiscaux, les cinquante plus grandes entreprises européennes y ont pourtant toujours quelque 4 700 filiales ! La palme revenant aux banques.

  • Premier volet de notre enquête sur l'évasion fiscale

"Les paradis fiscaux, c’est terminé". En lançant cette phrase, en septembre 2009, Nicolas Sarkozy est allé un peu vite en besogne. Le Comité catholique contre la faim et le développement-Terre Solidaire, a passé au crible les rapports d’activité 2009 des 50 plus grandes entreprises européennes.

Dans les 60 paradis fiscaux "opaques" recensés par Tax Justice Network (TJN), un think tank rassemblant ONG et experts, le CCFD a dénombré pas moins de 4 706 filiales des 50 plus grandes entreprises européennes, soit 21 % de l’ensemble de leurs filiales. Et si on se limite aux 33 territoires crédités par TJN d’un degré d’ "opacité supérieur à 90%", les 50 leaders européens y ont implanté 1 713 filiales. Pire, dans les treize paradis des paradis fiscaux, "100% opaques" (et qui le restent malgré les promesses de transparence, estime le TJN) les 50 multinationales y ont 363 filiales, dont 234 en Suisse et 54 aux Bahamas…

La palme de la défiscalisation dans les paradis revient aux banques : Deutsche Bank y compte 446 filiales, nonobstant les 632 supplémentaires situées à Londres et au Delaware ! Parmi les sociétés britanniques, c’est la Barclays avec ses 383 filiales "paradisiaques" (soit 36% de l’ensemble de ses filiales) qui tient la corde. La française BNP-Paribas, qui en compte 347, fait quasiment jeu égal sur la troisième marche avec l’italienne Unicredit et ses 345 filiales.

Aucune justification

Il n’est pas a priori condamnable pour un groupe international d’exercer des activités aux Pays-Bas, en Suisse, ou même aux Îles Caïmans. Il est parfaitement légitime, par exemple, pour une société d’assurances d’avoir pour clients des habitants des Îles Caïmans (vaste marché avec ses 44 000 habitants!) et d’ouvrir une filiale à leur intention. Toutefois, si tel était le cas, cette société d’assurance devrait sans difficulté faire état, dans son rapport annuel, de sa présence dans l’archipel caribéen et du volume de son activité.

C’est lorsque l’information n’est pas accessible, notamment dans des territoires réputés pour leur opacité, que la présence offshore devient "suspecte", souligne le rapport. Et c’est bien là que le bât blesse : aucune des 50 sociétés étudiées n’explique, par filiale ou par pays d’implantation, à la fois la nature de son activité, son chiffre d’affaires, le bénéfice qu’elle dégage, le nombre de personnes qu’elle emploie et les impôts qu’elle paie.

Black-out total

L’Allemagne est le seul pays abritant de grands groupes européens à contraindre ses entreprises cotées à respecter des obligations supplémentaires de transparence financière. Le rapport annuel doit comporter en annexe une liste de leurs filiales indiquant notamment : le nom, l’emplacement, la part de capital, les profits réalisés des sociétés détenues à plus de 20%. Ce qui n’empêche pas certaines multinationales, non cotées, à l’image de Bosch, de maintenir le silence sur les activités de ces plus de 300 filiales.

L’équipementier allemand n’est pas le seul en Europe à pratiquer un black-out quasi total : la banque britannique Lloyds Banking Group ne liste que 8 filiales dont aucune dans les paradis fiscaux !

Parmi les 712 filiales consolidées dans ses comptes annuels, le géant pétrolier français Total n’indique que le nom de 217 filiales, sans même donner leur lieu d’implantation.

Fort des résultats de cette étude, le CCFD-Terre Solidaire demande aux Etats de passer enfin de la parole à l'acte en obligeant les multinationales à publier leurs comptes pays par pays, voire filiale par filiale. Une idée qui commence à faire son chemin en ces temps de déficits budgétaires astronomiques et de disettes fiscales et alors que les entreprises françaises du CAC 40 ne paient en moyenne que 15% d'impôts, soit près de deux fois moins que les PME.
 




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