Après deux jours de conclave, les chefs d'Etat et de gouvernement européens se sont mis d'accord aujourd'hui pour réformer le Traité de Lisbonne. A la demande pressante de Britanniques soutenus par les Français et les Allemands, le budget européen devrait être mis à la diète.
Le sommet européen de Bruxelles s'annonçait sans grande surprise après les longues discussions du mois d'octobre autour d'une mini-réforme du Traité de Lisbonne. Mais le britannique David Cameron, soutenu par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, a créé la surprise en imposant, au nom de la rigueur, un gel du budget européen.
Le Traité de Lisbonne sera bien modifié, via une procédure simplifiée, évitant ainsi les référendums nationaux et d'éventuels blocages institutionnels au niveau européen, puisque la Commission et le Parlement n'auront qu'un rôle consultatif.
Désormais le Traité donnera également explicitement la possibilité de venir en aide à un pays de la zone euro si sa situation économique et financière menace la stabilité de la monnaie unique.
Dans le cas de la Grèce, l'Union européenne avait dû tordre le cou aux textes existants qui ne donnaient qu'une base juridique bancale à leur intervention.
L'aide, ce n'est pas automatique
Reste que les sauvetages des pays en difficulté n'auront rien de systématiques. C'est une victoire de la Chancelière allemande, Angela Merkel, qui voyait dans un mécanisme d'automaticité un encouragement au laisser-aller budgétaire de certains États. Le fonds européen de stabilisation pourra donc être pérennisé après 2013.
Le débat non prévu à l'ordre du jour officiel de ce sommet a porté autour du budget européen des années à venir. Le Premier ministre britannique, David Cameron, a exprimé son souhait de voir le budget communautaire gelé dans les années à venir (2012 et 2013). Il ne serait alors ajusté qu'en fonction de l'inflation. Et pour les années suivantes, c'est le même tarif. Pour les négociations autour du cadre financier 2014-2020, Londres demande de la rigueur et un strict plafonnement.
Cette mise au pain sec risque de provoquer la colère du Parlement européen, qui vient de voter un budget 2011 sous la pression des États membres, ne lui accordant que 2,91% d'augmentation de crédits au lieu des 6% réclamés, mais dans l'espoir d'ouvrir le débat pour les années à venir.
Lors du Conseil, cette proposition britannique aurait aussi provoqué l'ire des pays d'Europe Centrale et de l'Est, qui y voient une menace pour le budget des politiques régionales, dont ils sont les principaux bénéficiaires.
Cameron soutenu par Sarkozy
Mais David Cameron est resté sur sa position. Si austérité il y a au niveau national, elle doit aussi se refléter au niveau européen, et peu importe l'argumentaire des députés européens et leurs nouvelles compétences issues de la mise en application du Traité de Lisbonne.
Avant même la fin du Conseil européen, Martin Schulz, Président du groupe socialiste du Parlement européen est venu s'adresser aux journalistes présents à Bruxelles, déclarant que
la proposition de David Cameron est de la provocation.
Dans un projet de lettre commune d'autres pays soutiendraient cette initiative dont, au premier chef, la France, l'Allemagne, l'Italie. Lors de sa conférence de presse à l'issue du Conseil, le Président français a été on ne peut plus clair: "La France demande une stabilisation du budget européen". Nicolas Sarkozy a souhaité que cette lettre soit "signée par le plus grand nombre". Il a confirmé qu' "une quinzaine de pays" l'aurait déjà fait.
Les euro-obligations, c'est "non"
Le Président français a aussi réaffirmé son engagement européen et sa détermination à défendre l'euro contre les marchés. "Si l'euro tombe, c'est l'Europe qui explose. L'euro ne tombera pas, nous le soutiendrons de toutes nos forces". Quand à l'idée, très en vogue en ce moment, consistant à sortir de l'euro, Nicolas Sarkozy a été très clair: "Qui peut penser que la France seule, dans le monde d'aujourd'hui, serait plus forte ? "
Toutefois, pas question pour le moment d'émettre des euro-obligations (eurobonds) sur la dette des pays de la zone euro, comme le propose, notamment, le premier ministre portugais, José Socrates pour qui "c'est une bonne idée" et son homologue belge pour lequel "C'est une idée qui fait son chemin".
Mais pour Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, c'est "non". Cela déresponsabiliserait les gouvernements et les dissuaderaient de faire des efforts budgétaires, si au préalable, la gouvernance économique européenne n'est pas renforcée ainsi que l'harmonisation des politiques fiscales.
Sur ce dossier, l'axe Paris-Berlin pèse de tout son poids et les deux capitales veulent que ce dossier soit la priorité du début d'année 2011.