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Facs « d’excellence »: la France en parle, l’Allemagne l’a fait

lundi, 27 décembre, 2010 - 16:48

La France veut privilégier les facs "d'excellence" financées par le grand emprunt. Nombreux sont ceux qui dénoncent une "université à deux vitesses". L'Allemagne l'a fait sans état d'âme à coup de milliards pour attirer les cerveaux de la planète.  Reportage.

"Nous voulons les meilleures universités du monde. L’autonomie sans argent ça ne suffit pas", avait expliqué Nicolas Sarkozy lors du lancement du "grand emprunt" national. "Sur les 25 milliards d’euros d’investissements venant du privé de l’Europe, des collectivités territoriales" avait-il précisé, une grande part du gâteau devait aller à l’enseignement supérieur et à la recherche, "clé de notre compétitivité future". Une dizaine de "campus d’excellence" devaient, notamment, bénéficier d'un financement exceptionnel de 8 milliards.

Un an plus tard, où en est-on? Pas bien loin. La recherche "des cibles prioritaires" a "pris du retard" reconnait-on officieusement. Quels sont les critères de sélection? Trois leviers principaux sont, selon le ministère de l'enseignement supérieur, susceptibles d’assurer cette "excellence" : "des moyens financiers élevés, l’autonomie des établissements et l’attribution de fonds de recherche en partenariat avec des entreprises privées". Syndicats d'enseignants et d'étudiants, trainent, les pieds et dénoncent les risques, bien réels mais pas inexorables, d' "une université à deux vitesses".

Ainsi, en Allemagne, "l'initiative d'excellence", ambitieux programme lancé il y a deux ans démontre que les retombées sont importantes, non seulement pour les heureux lauréats, mais aussi, dans une certaine mesure, pour l'ensemble du système universitaire.

Super-facs pour super-étudiants

Dans un pays où l’égalitarisme entre les universités était la règle, 28 universités reçoivent ainsi plus de moyens que les autres pour affronter la concurrence internationale. Une révolution qui a pourtant été acceptée sans trop de mal. Ses objectifs? Développer des centres de recherche de pointe et attirer, avec les financements supplémentaires, des chercheurs, des enseignants et des doctorants. Montant global de l'aide exceptionnelle à ces super-facs? 1,9 milliard d’euros jusqu’en 2012.

Par ailleurs, neuf "universités d’élite", label peu égalitaire mais le plus prestigieux, ont été retenues au terme d’un concours organisé par l’État et les Länder et sont plus particulièrement aidées. Certaines d’entre elles sont généralistes, comme l’université Ludwig-Maximilian de Munich, celles de Constance, de Fribourg, de Heidelberg et de Göttingen ou, encore, l’Université libre de Berlin.

D’autres sont spécialisées dans les sciences de la nature, de l’ingénieur, en médecine et en économie, comme celles de Karlsruhe, d’Aix-la-Chapelle ou l’Université technologique de Munich.

Les sciences sociales et humaines ne sont pas oubliées. A Heidelberg, le centre de recherche et d’enseignement, centré sur les relations entre l’Europe et l’Asie bénéficie d'aides spécifiques, ainsi que le département "Civilisations anciennes" de l’Université libre de Berlin.

"Cette initiative crée une nouvelle dynamique", se félicite Thomas Pfeiffer, vice-doyen de l’université de Heidelberg. Même constatation à l’Université libre de Berlin.

Globalement, 4 200 scientifiques ont rejoint les établissements bénéficiaires de l’Initiative d’excellence.

Bourses publiques et privées

Pour les étudiants qui envisagent de faire une thèse, les conditions sont optimales : la plupart de ces super-facs ont mis en place leur propre programme de bourses, qui s’ajoutent à celles déjà accordées par les organismes traditionnels (ministère de la Recherche, organisme de promotion de l’enseignement supérieur allemand…).

Ces subsides publics sont, en outre, abondés par des fonds débloqués par les entreprises intéressées par les retombées de ces recherches.

L’Université technologique de Munich a ainsi reçu une dotation de 10 millions d’euros de BMW. Le fondateur de SAP a fait, pour sa part, un don de 200 millions d’euros à l’université de Karlsruhe. La fondation, créée à cette occasion, dépense 5 millions d’euros par an pour aider des boursiers…

"Les étudiants inscrits en doctorat vont, en outre, bénéficier d’un accompagnement particulier", précise Goran Krstin, porte-parole du président de l’Université libre de Berlin. Toutes les "universités d’élite" ont initié des programmes de tutorat et encouragent les séjours à l’étranger des étudiants, ainsi que leur participation à des séminaires et colloques internationaux.

Des cerveaux pour l'industrie

Revers de la médaille : ces universités financièrement privilégiées risquent de devenir de plus en plus sélectives… Pour les doctorants, mais aussi pour les autres candidats, compte tenu de leur notoriété croissante. Une notoriété entretenue par des campagnes mondiales de promotion pour attirer les cerveaux étrangers dont l'industrie allemande en forte croissance a tant besoin. Berlin envisage déjà de poursuivre ce programme après 2012, avec un accroissement des moyens à la clé.

Les autres universités qui ne profitent pas de ces aides, sont- elles vouées au déclassement? Pascal Level, représentant à Bruxelles de la Conférence française des présidents d’université au comité de liaison des organismes de recherche européens, se veut rassurant: "dans le cadre de cette initiative, les établissements sélectionnés se sont engagés à développer des coopérations avec les autres universités allemandes. Du coup, la dynamique enclenchée devrait rejaillir sur l’ensemble de l’enseignement supérieur d’outre-Rhin et le rendre encore plus compétitif". A vérifier dans quelques années.
 




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