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Procès Khodorkovski : l’Europe embarrassée face à Moscou

mardi, 28 décembre, 2010 - 15:22

La nouvelle condamnation de l’oligarque russe est fermement dénoncée à Washington. Mais l’Europe est nuancée : Berlin parle plutôt net, Londres et la Commission déjà moins, Paris fait dans la modération et l’Italie n‘en souffle mot.

Jugé coupable de détournement de pétrole par une Cour moscovite, Mikhaïl Khodorkovski a une nouvelle fois été condamné (il est déjà emprisonné depuis 2003) à l’issue d’un procès dont peu d’observateurs indépendants nient le caractère politique.

Cet oligarque, ancien patron du groupe pétrolier Ioukos, est en effet devenu le symbole du combat démocratique en Russie depuis qu’il s’est très clairement opposé aux méthodes musclées de Vladimir Poutine au début des années 2000. Et l’on soupçonne l’actuel premier ministre russe – qui briguera certainement un nouveau mandat présidentiel en 2012 – d’avoir fait pression sur la justice pour que cet adversaire politique reste enfermé encore quelques années dans sa geôle sibérienne.

Les réactions occidentales – qualifiées par les Russes de tentatives de pressions inacceptables – ne se sont pas fait attendre. A commencer par celles de Washington où le porte-parole de la Maison Blanche évoque "une application sélective de la justice de nature à saper l’état de droit" et la secrétaire d’Etat Hillary Clinton parle d’ "impact négatif sur la réputation de la Russie".

L’Europe n’est pas en reste. Mais le « wording » des différentes déclarations révèle plus que des nuances dans la position à l’égard de la Russie et traduit le souci plus ou moins marqué de rester conciliant avec cet important partenaire économique. Au niveau des institutions, les différences apparaissent déjà.

Catherine Ashton, haute représentant des affaires étrangères de l’Union et à la fois porte-parole des gouvernements et de la Commission, reste très prudente en déclarant :

Les Vingt sept attendent de la Russie le respect de ses engagements internationaux dans le domaine des droits de l’homme et de la primauté du droit.

L’Union « attend » (elle n’exige pas) un respect des « engagements internationaux », se gardant bien de toute ingérence dans les affaires intérieures russes… En revanche, Jerzy Buzek, président d’un Parlement européen élu directement par les citoyens (et qui, de plus, est Polonais) peut se permettre d’aller beaucoup plus loin, à propos du cas Khodorkovski :

C’est le symbole emblématique des problèmes systémiques de la primauté du droit, du nihilisme juridique et des droits de l’homme dans la Russie d’aujourd’hui.

Sans aller aussi loin, la réaction allemande est la moins ambiguë de celle de tous les Etats-Membres. Dixit le chef de la diplomatie Guido Westerwelle :

La façon dont ce procès a été mené est particulièrement préoccupante et constitue un pas en arrière sur la route de la modernisation du pays.

La réaction de Londres est déjà plus en retrait :

La Russie serait mieux servie par un système judiciaire complètement indépendant.

En souhaitant cela, le Foreign Office reconnait implicitement que le système est partiellement indépendant… Mais, dans le concours d’hypocrisie diplomatique, la France, comme c’est fréquent, remporte la palme. Après avoir tergiversé plusieurs heures, aux dires d’une source proche du dossier, le Quai d’Orsay s’est finalement fendu d’un communiqué minimaliste de son porte-parole Bernard Valero :

La modernisation de la Russie passe par la consolidation de l’état de droit. Il importe que les efforts engagés en ce sens par les autorités russes soient poursuivis.

Autrement dit, Moscou a déjà engagé beaucoup d’efforts pour consolider l’état de droit. Il faut continuer. Un commentaire qui ne fait aucune allusion au fait déclencheur (la condamnation de Khodorkovski) et qui évite tout jugement sur l’action des autorités russes.

Sans faire de mauvais esprit, on ne peut s’empêcher de signaler que la nouvelle ministre française des affaires étrangères Michèle Alliot-Marie a été le fer de lance de la négociation sur la vente de 4 porte-hélicoptères Mistral à la Russie dont la France vient de remporter l’appel d’offre (samedi 25 décembre). D’où une "pression" de Paris que Moscou pourrait sans doute trouver "acceptable"…

Pareil souci de ménager un bon client – en matière d’ingénierie énergétique – se retrouve en Italie où le président du conseil entretient par ailleurs des relations vraiment amicales avec Vladimir Poutine. Au point que Berlusconi et Poutine s’invitent mutuellement dans leurs résidences d’été. Qui s’étonnera donc du parfait silence des autorités italiennes sur cette affaire Khodorkovski ?


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