A peine entrée en vigueur, la nouvelle loi hongroise sur les media menace déjà une petite radio indépendante. Deux quotidiens hongrois et un journal allemand ont protesté ce matin contre les atteintes à la liberté de la presse. La France dénonce une une "altération profonde de la liberté de la presse".
A la "Une" du plus important quotidien hongrois, Nepszabadsag, une seule phrase : "La liberté de la presse n'existe plus en Hongrie". En dessous, elle est traduite dans les 23 langues officielles de l’Union, dont la Hongrie assume la présidence pour six mois. Dans son éditorial, le journal de centre-gauche s'en prend fermement à la nouvelle loi sur les media, votée par la majorité du premier Ministre hongrois Viktor Orban:
La loi sur les media ne sert qu’aux fins autoritaires du gouvernement du Fidesz et elle permet d’apprivoiser, de sanctionner et en fin de compte de ruiner ceux qui sont d’une opinion contraire.
Un second quotidien hongrois, Nepszava (gauche), exige à sa "Une" la liberté de la presse en hongrois et en anglais, en ajoutant "qu'il faut défendre nos droits". "Nous espérons que l'Europe se rend compte de ces mesures anti-démocratiques", même si "la grande majorité du peuple hongrois ne se rend compte de rien".
En décembre déjà, deux hebdomadaires, le Magyar Narancs et le ES avaient protesté avec des pages blanches pour la même raison.
L’enjeu est gros pour la presse hongroise en général, puisque depuis samedi, la nouvelle loi sur les média – adoptée par le Parlement le 21 décembre par 256 voix contre 87 – les expose au contrôle de l’Autorité Nationale de Télécommunication et des Media (NMHH) qui peut leur infliger des amendes sévères allant de 89 000 euros à 730 000 euros en cas "d’atteinte à l’intérêt public, l’ordre public et la morale", ou encore des "informations partiales", sans que pour autant ces concepts aient été clairement définis.
Le "désastre hongrois"
En Allemagne, où la Chancelière Angela Merkel avait été l’une des personnalités politiques à s’indigner le plus fortement des mesures de censure contre la presse décidées par le gouvernement de Viktor Orban, le quotidien Die Tageszeitung a repris la "Une" du Nepszabadsag, en lui adjoignant une tribune du philosophe et ancien député du parti Vert de gauche hongrois Gaspar Miklos Tamas. Parlant du "désastre hongrois", il critique très vivement la décision de son gouvernement et dénonce un retour à des pratiques remontant à l’époque d’avant 1989 et l’avènement de la République.
Personne ne souhaite revenir à ce monde, dans le chaos, la pauvreté, la corruption, la servilité, la vénalité, le trafic malhonnête, le mépris des couches inférieures, où l'inégalité et l’hypocrisie commençaient à se répandre, avant l'année légendaire de tous nos espoirs – en 1989.
Alors que la dérive autoritaire du gouvernement Orban inquiète de nombreux gouvernements, la Commission européenne se contente pour l'heure d'émettre des "doutes" sur la nouvelle loi hongroise sur les media, et d'attendre des explications de Budapest. Après avoir refusé de prendre position sur la question il y a quelques jours, la France a réagit plus fermement mardi matin par l'intermédiaire du porte-parole du gouvernement François Barouin. Invité de France Inter, il a jugé que la loi présentait "une incompatibilité avec une certaine idée de la liberté de la presse, validée par les traités européens", déclarant que "la France à l'instar des autres pays de l'Union souhaite une modification de ce texte".