En plein débat sur les 35 heures, la CGT entend faire renégocier, au sein des entreprises, certains aspects de la loi Bertrand (2008) sur le temps de travail. Comment? En s'appuyant sur la charte européenne des droits sociaux.
Les 35 heures ne sont pas menacées d'abandon en France, elles vont au contraire se trouver renforcées par de nouvelles négociations au sein des entreprises. Cette idée, défendue par Bernard Thibaud, n'est ni une boutade ni une fanfaronnade : le leader de la CGT est sûr de son bon droit. De son droit européen, en l'occurrence.
Le temps de travail va être de nouveau d'actualité, mais pour une raison qui n'a pas encore été abordée puisqu'il se trouve que le comité européen des droits sociaux vient de déclarer la loi française sur le temps de travail de Xavier Bertrand non conforme à la charte européenne des droits sociaux,
a-t-il déclaré ce matin sur RTL.
La France condamnée pour la 3ème fois
C'est en fait la 3ème fois que le Comité européen des droits sociaux (CEDS) épingle la France, après 2002 et 2005. Ce comité dépend du Conseil de l'Europe (à ne pas confondre avec l'Union européenne) dont l'objectif est de favoriser le respect de la Convention européenne des droits de l’homme.
Dans son dernier rapport annuel, publié en décembre, le CEDS s'est penché sur la loi Bertrand du 20 août 2008, qui a profondément remis en question la réglementation sur les 35 heures. Ce texte donne en effet toute latitude aux entreprises pour augmenter et organiser le temps de travail – sous réserve d'un accord avec les syndicats ou représentants du personnel .
La CEDS conteste deux dispositions en particulier :
- Le dispositif des astreintes professionnelles ne prévoit pas de contrepartie obligatoire pour l'employé. Ni jours de repos ni compensation financière. C'est contraire au droit… français.
- Les forfaits annualisés en jours de travail qui autorisent désormais jusqu'à 78h de travail hebdomadaire. Une durée "manifestement excessive".
Le gouvernement français n'a toutefois pas trop de raisons d'être inquiet. Avant de devenir une condamnation formelle, l'avis du CEDS doit être entériné pas le comité des ministres du conseil de l'Europe. Ce qu'ils n'avaient pas fait lors des deux premières condamnations.
Une troisième place mondiale sur la productivité horraire
Quand bien même la Charte sociale européenne sociale n'est pas contraignante, la France serait bien inspirée de se rappeler qu'en la signant elle s'est engagée "à fixer une durée raisonnable au travail (…), la semaine de travail devant être progressivement réduite pour autant que l'augmentation de la productivité et les autres facteurs entrant en jeu le permettent" (Partie II, Article 2).
D'après le Bureau International du Travail (BIT), la France occupe le 3ème rang mondial en terme de productivité horaire (PIB par heure travaillée en 2007) derrière la Norvège et les Etats-Unis, mais devant l'Allemagne, le Royaume-Uni ou la Suède. En France, pourtant, si l'on se fie au Portrait social 2010 de l'Insee, "la durée hebdomadaire moyenne du travail [en 2009] déclarée par les personnes ayant un emploi est de 37,8 heures en France métropolitaine : 41 heures pour les personnes à temps complet et 22,8 heures pour celles à temps partiel". Plus qu'aux Etats-Unis où la durée moyenne était tombée à 33,7 heures en 2007.