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Maman, j’ai épousé un(e) Européen(ne)!

samedi, 8 janvier, 2011 - 15:51

Les différences culturelles compliquent fréquemment la construction européenne. Mais les "euro-couples" sont bien obligés de les surmonter. S’ils y parviennent, ils engendrent souvent une nouvelle génération d’Européens pure souche. 

La diversité des cultures serait le véritable ciment de l’intégration européenne. Un paradoxe un peu trop beau pour être vrai, comme le prouve les désaccords permanents à Bruxelles entre les États sensés être unis. Ils reflètent non seulement les conflits d’intérêt, mais aussi une manière différente d’aborder les discussions, d’envisager des solutions, de défendre son point de vue et de percevoir celui de l’autre.

Apprendre à se connaître et à s’apprécier dans la différence, c’est pourtant ce que font beaucoup d’Européens au quotidien dans leurs vies privées ou professionnelles. Mais les champions du genre, sont ceux qui ont trouvé l’âme sœur ailleurs, en Europe. L’amour balaie toutes les frontières sans coup férir…

Cocktail Cupidon-Erasmus

Ces "mariages à l’européenne" intéressent si peu l'UE et ses Etats membres qu’il n’existe aucune statistique précise. La commission européenne estime tout au plus et à la louche que 10 millions de citoyens vivent en dehors de leur pays en Europe. C’est loin d’être marginal ! Elle n’en tire pourtant aucune conclusion.

Selon l’Institut d’études démographiques de Vienne, la proportion de mariages binationaux varie beaucoup, selon les pays : de 1 % du total des mariages en Turquie à 30 % à Chypre ou au Luxembourg. Dans les grands pays d’Europe occidentale, la proportion va de 12 à 16 %. Mais qu’en est-il des seuls mariages entre Européens ?

Avec une descendance "victime" de l’irrésistible cocktail Cupidon-Erasmus, l'eurodéputé Alain Lamassoure, s’est logiquement intéressé de près à ces mariages binationaux. En 2008, dans un rapport (« Le citoyen et l’application du droit communautaire »), il s’est appuyé sur les seuls chiffres alors disponibles, qui remontaient à 2003 !

Les mariages avec un non européen sont encore deux à cinq fois plus nombreux qu'avec un Européen: 37 500 contre 18 700 en Allemagne, 4 200 contre 3 000 en Belgique, 1 500 contre 300 en Hongrie, 8 300 contre 2 600 aux Pays-Bas. Il estime que  

Pour le moment, nous en sommes à un nombre trop faible pour garantir la réussite du rêve européen, mais tout de même trop élevé pour ne pas l’entrevoir

Mais la mixité européenne se fait malgré tout. Neufs couples "euromixtes" nous racontent comment ils ont construit l’Europe entre eux.

 


Écossaise / Suisse

Jackie, Ecossaise de 59 ans est mariée depuis quatorze ans avec Bernard, suisse francophone de 67 ans. Ils vivent à Lausanne.


"Ici, on n’a pas le droit de suspendre son linge à la fenêtre. Et dans certains immeubles, la couleur du paillasson est inscrite dans le règlement de la maison. Tout est très propre et rangé en Suisse. Ce n’est pas le cas en Écosse". Jackie Montgomery a parfois le mal de son pays.

Il y a vingt-deux ans, lors de vacances en Écosse, elle a rencontré Bernard Borbouën dans un pub. Depuis, ils ne se sont plus quittés ou presque. "J’étais enseignante dans le primaire. Mes amis et ma famille étaient tous à Édimbourg. Ce n’était pas facile de partir", raconte Jackie. Voulant tout de même se rapprocher de l’homme qu’elle aime, elle part travailler en Italie, à Aoste, y reste cinq ans avant de déménager en Suisse et de se marier avec Bernard.

Pour communiquer, le couple utilise l’anglais. "C’est la première langue que nous avons utilisée et c’est resté comme ça", explique Bernard, maquettiste, aujourd’hui retraité. Pour Jackie, le plus difficile est de ne pas avoir de reconnaissance pour ses diplômes écossais. Pour enseigner dans le système public suisse, elle devait refaire une année d’études et repasser un examen. Elle enseigne l’anglais dans des écoles privées où les exigences sont moins strictes. Malgré ses quatorze ans de vie en Suisse, elle reconnaît avoir peu d’Helvètes parmi ses amis.

 


Italien /Autrichienne

Marco, italien de 42 ans, a épousé Barbara, autrichienne de 31 ans. Ils vivent dans le quartier de De Baarsjes, à l’ouest d’Amsterdam.


Il n’y a guère que la nourriture que les sépare. "En général, nous sommes d’accord sur les ingrédients, mais pas l’ordre dans lequel manger les plats", constate Barbara. Marco Pasi, italien, et Barbara Philipp, autrichienne, se sont rencontrés en 2002 pendant leurs études à Paris et vivent depuis 2005 à Amsterdam. Tous deux maîtrisent la langue maternelle de l’autre et un peu de néerlandais, mais ils se parlent en français!
"Les deux premières années ont été difficiles, explique Barbara. Je n’ai pas accroché avec la culture néerlandaise. Je me sentais plus chez moi à Paris, où les gens sont râleurs mais vous invitent à dîner. Ici, les gens sont sympathiques et tout est "gezellig" ("sympa, cool", en néerlandais), mais les relations sociales restent distantes".
"C’est difficile de s'intégrer ici, renchérit Marco. Comme on ne déjeune pas aux Pays-Bas, il y a moins d’occasions de se rencontrer. La maison relève de l’espace privé. Les Néerlandais sont fiables, efficaces, transparents. Mais le rapport à la santé révèle une vision différente de ce que ça veut dire, être humain". Une allusion à un système de santé qui ne donne aucun choix au malade, où l’accès au soin est problématique et où le soulagement de la douleur n’est pas pris en compte.

 


Tchèque / Française


Vojtek, tchèque, et Réjane, française, 51 et 52 ans, sont mariés depuis 15 ans. Ils vivent avec leur fille Adela, 14 ans, dans le village de Bohnice, en périphérie de Prague.

Quand Vojtek, le Tchèque, a emmené Réjane, la Française, marcher dans les montagnes Krkonose, elle a peu apprécié. Pas plus que de se faire fouetter par des gamins armés de baguettes décorées de rubans multicolores dans un village tchèque, lors de son premier lundi de Pâques dans le pays. Depuis, elle rit de ce rite païen de fertilité, qui fait partie de la culture d’Europe centrale. Quant à “Vojta”, il a peu goûté les grosses vagues de la baie de Saint-Brieuc lorsque son épouse Bretonne l’a embarqué sur un petit voilier. Mais, lorsqu’ils se sont rencontrés à Prague au début des années 1990, l’ingénieur chauffagiste a été séduit par la capacité de sa compagne, enseignante, à parler vrai, à critiquer, alors que son pays sortait à peine du communisme. Réjane a, elle, apprécié la faculté d’écoute de son mari à qui elle a appris à s'indigner face aux injustices. Adela, leur fille, parle tchèque, mais ses parents ont à cœur de préserver sa culture française.
En revanche, la première vraie confrontation entre les deux a été politique. Réjane s’affirme résolument "de gauche, tendance anarchiste" et estime que "les communistes on, au moins permis des avancées sociales". Pour Vojta, le communisme est un système totalitaire qui lui a interdit de faire des études classiques. "Mais quand on discute de tout cela, on comprend qu’on ne parle pas de la même chose", concède-t-il.

 


Hongroise / Britannique

Réka, hongroise, et Simon, britannique, 35 ans tous les deux, vivent en couple depuis neuf ans. Ils ont une petite fille de 9 mois, Lili, et habitent une maison près du Danube non loin de Budapest.


" J’ai dû apprendre à Simon à dire “non” ", dit Réka, la Hongroise, en souriant. Lui, le Britannique un peu coincé, ne savait dire que "peut-être" quand des amis l’invitaient à une soirée où il n’avait pas l’intention d’aller. Ils vivent depuis huit ans ensemble à Budapest où tous deux, professeurs d’anglais, se sont rencontrés dans une école de langue.
Depuis Simon s’est mis au hongrois. Le couple parle l’anglais et fréquente, via leur école, surtout des étrangers et des Hongrois anglophones. Une sorte de milieu "offshore" pour les “internationaux”. …
Lili, leur petite fille de 18 mois sera bilingue, anglais-hongrois. "C’est clair qu’elle ne sera jamais une Hongroise ou une Anglaise “typique”, mais sa double nationalité est un plus pour elle, c’est un élément qui va enrichir sa vie ! ", explique Réka. "Lili est un bébé européen ! "

 


Suédois / Portugaise

Rosa (26 ans), portugaise, et Erik (37 ans), suédois se sont mariés en juin. Ils vivent à Lisbonne, dans le quartier de Santa Isabell.

"Un vrai couple européen !" s’amusent Rosa et Erik, la portugaise et le suédois, devant leur différence de taille. Peu leur importent les stéréotypes que l’on applique aux nordistes et aux sudistes de l’Europe. Les deux jeunes gens se sont mariés il y a deux ans, après une année de vie commune au Portugal.
Le jeune couple s’ingénie à effacer les différences culturelles, essentiellement en les ignorant. Mais elles ressurgissent quand il s’agit de questions administratives. "Notre inscription au registre de l’état civil a pris une journée et a coûté 300 euros. En Suède, cela aurait été fait en une heure et sans frais", explique Rosa. Bureaucratie sudiste, et rigidité nordique ? Erik et Rosa l’admettent, mais se disent relativement peu concernés par ces questions, eux qui se sont rencontré en Chine. "Quand on a vécu là-bas, être en Europe, où que ce soit, c’est revenir à la maison. Ici, il y a du vin et du fromage", s’amuse Erik.
 


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