DJ sans frontières, Click explore depuis des années les musiques des Balkans. Sorte de "Latcho Drom électro-musical", son nouvel album, Click Here, Delhi to Sevilla, retrace la route (et la richesse) des cultures roms. Retour sur expérience.
"On démarre avec un titre traditionnel du Rajasthan, puis on enchaîne avec des sons afghans et turcs avant d’embarquer du côté des Balkans, jusqu’au sud de l’Italie, pour terminer par un flamenco typique des bars à tapas espagnols !" explique Click. Dix-sept titres, plein d’invités : "Je voulais faire un voyage musical. Le fil rouge des Tsiganes, avec lesquels je travaille depuis longtemps, m’est apparu évident."
Un travail de terrain mené au gré d’innombrables allers retours, à la rencontre des artistes locaux. "Les concordances musicales d’un pays à l’autre sont flagrantes, constate le DJ. L’Inde, la Bulgarie, l'ex-Yougoslavie et la Turquie sont par exemple les seuls endroits du monde qui utilisent des rythmes impairs. De même, les énormes castagnettes droites du Rajasthan se retrouvent en Andalousie sous forme ronde et réduite. C’est souvent le même bois, la même sensation, la même rythmique… Il existe forcément un lien entre toutes ces cultures !"
Un folklore extrêmement vivace
Pour autant, chaque région a sa particularité. "En Roumanie, c’est la folie : il y a autant de rythmes que de montagnes, de vallées ou de villages ! Plus tu vas vers la Mer Noire, par exemple, plus le son est oriental. En Bulgarie, on distingue six styles de voix différents. Dans certains coins, on y trouve même de fortes similitudes avec le folklore grec ou turc. Etonnant !"
Autre constat : "L’ouverture de l’Europe de l’Est après la chute du bloc soviétique n’a pas tué sa fierté culturelle. La musique folklorique y reste très appréciée, elle passe en boucle sur des chaînes télé spécialisées. Les jeunes, eux, en écoutent des dérivés modernisés, comme le turbo folk en Yougoslavie ou le manélé en Roumanie."
Et il reste beaucoup à explorer ! En Espagne, par exemple, "où le milieu des musiciens gitans reste très gardé, difficile à pénétrer. Les mixs flamenco-électro sont encore rares". Ou en Bulgarie, "une mine d'or encore très fermée". En Pologne aussi, "dotée d’un folklore très chouette, avec énormément de voix, de violon, de violoncelle, de vielle, et de superbes instruments traditionnels". Sans oublier les voix polyphoniques de la Sardaigne. "Cette petite île recèle quatre ou cinq folklores extrêmement ancrés. J’y ai vu des ados, à la sortie de l’école, la main sur l’oreille, s’entraîner aux tenores, comme d’autres s’essayent au rap !"
A la conquête de l’Ouest
En Europe occidentale, c’est souvent par le travail de DJ comme Click que la musique tsigane et des Balkans est devenue furieusement tendance. "La fusion de la musique traditionnelle avec l’électro, le rock ou le hip hop permet de toucher les jeunes et de passer les frontières. De Barcelone à Cologne, un réseau de DJ travaille dans la même direction, s’échange des sons, s’invite mutuellement. L’occasion de pas mal bouger, mais aussi de bénéficier de guides sur place ! Connaissant mon travail, ils me mettent en relation avec des musiciens qui sont heureux de mon intérêt pour leur patrimoine, me reçoivent en ami, me font entrer dans leur famille."
Un attrait pour les cultures roms à même de redorer l’image de ces communautés ? "En remettant au goût du jour des titres vieux de deux cents ans, en les modernisant pour les faire passer en discothèque, on leur donne une place, une voix, témoigne Click. Si les Tsiganes roumains de Mahala Rai Banda passent aujourd'hui à la télé dans leur pays, c'est parce que le public allemand, français et anglais s'est intéressé à leur musique. Impensable il y a trois ans, où ils étaient tous juste tolérés dans les restaurants !"
Sans angélisme : "En Roumanie, en Bulgarie et ailleurs, les Tsiganes restent des parias, des laissés pour compte. Les clichés ont la vie dure : sales, voleurs, menteurs… A force de les côtoyer, j’ai surtout compris que c’étaient des esprits libres, à qui tu ne peux pas dire "mets-toi là, fais ça" ou "rentre chez toi" ! Beaucoup ont plusieurs maisons, des amis dans le monde entier, une sœur à Madrid, un cousin à Berlin, des grands-parents en Roumanie… Au fond, on ne peut pas plus européen !"
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En concert le 10 février 2011 à l’Alimentation Générale (Paris) avec les violoniste et saxophoniste roumains Serioja Mihai et Tudorel Mihai, la chanteuse sarde Valentina Casula et le musicien indien Amrat Hussain