Le Portugal a de nouveau réussi à sauver sa tête sur les marchés financiers. Provisoirement. Alors que les mesures d'austérité pénalisent déjà durement les ménages, la crise économique pourrait encore se durcir. Et se doubler d'une crise politique : les Portugais élisent leur Président dimanche 23 janvier.
José Socrates peut légitimement s’enorgueillir d’avoir gagné une bataille en faisant passer à son pays un test financier d’envergure. Le Portugal vient en effet de lever 1,25 milliard d’euros sur les marchés obligataires. Une dette à long terme que le Portugal devra rembourser sur dix ans au taux de 6,7 %.
Tous les marchés avaient les yeux rivés sur le petit pays lusitanien considéré comme le prochain maillon faible de la zone euro. Alors que les taux d’intérêt obligataires campaient depuis plusieurs semaines sur des cimes inégalées pour le Portugal (à 7% et plus), il fallait impérativement que le Trésor Public puisse se renflouer.
Les deux jours qui ont précédé l’opération bancaire ont été particulièrement mouvementés, et le yo-yo de la cotation de l’euro a repris de plus belle. Plus inquiétant encore, des rumeurs ont fait état de pressions exercées par les capitales européennes, Paris et Berlin en tête, pour que le Portugal actionne le mécanisme du fonds de soutien européen et ceux du FMI. Angela Merkel a eu beau nier de manière très ferme, la spéculation semblait mettre en faillite le projet portugais de recherche de financement.
Un bonus 800 millions d'euros
Le premier Ministre José Socrates devait donc impérativement crédibiliser sa promesse de réduire cette année de 2% le déficit public. Ce qu'il a fait cette semaine en annonçant, d'une part, des recettes fiscales meilleures que prévu et, d'autre part, une réduction des dépenses de santé. Au total, cette "véritable bonne surprise" représente une économie budgétaire de 800 millions d’euros, soit 0,5 % du PIB. Un peu moins de dépenses de l’Etat, un peu plus de recettes: les marchés financiers sont, pour le moment, un peu rassurés.
Tant pis si les chiffres sont provisoires et l'enveloppe relativement modeste, le chef du gouvernement a pu transmettre le seul message qui lui importait : le Portugal fait ce qu’il faut pour respecter son engagement de ramener le déficit public à 7,3 % du PIB en 2011.
Le pire est à venir
Le soulagement était presque palpable au Portugal, mais aussi dans le reste de l’Europe, les places financières décidant d’alléger la tension sur l’euro. A Lisbonne, l’ensemble des observateurs et des commentateurs ont tressé des lauriers au gouvernement dont la ligne stratégique ne dévie pas et peut se résumer en un mot : tenir.
Car les indicateurs sont toujours dans le rouge, et le bulletin d’hiver de la Banque Centrale Portugaise n’est guère encourageant. Alors qu'elle misait hier sur une stagnation de l’économie, elle prévoit maintenant une récession, avec un recul de 1,3 % de l’économie cette année.
Il faut dire que les consommateurs font le gros dos, face à un train de mesures d'austérité sans précédent. Les Portugais ont anticipé la crise, évitant de trop dépenser pour les fêtes, en prévision de l’augmentation des prix au 1er janvier, sous le double effet de la hausse de la TVA (de 21 à 23 %) et des dérapages du coût du pétrole.
Le taux de chômage historique à 11 % de la population active va encore augmenter, et les coupes dans les salaires vont asphyxier des économies ménagères déjà bien malmenées. Aucun "cadeau" ne pourra être concédé pour soulager la rigueur avant la fin de 2012. Et encore, sous réserve d’un rebond sans faille de la croissance.
Un Président en embuscade
Le 23 janvier les Portugais sont invités à se rendre aux urnes pour élire leur président de la République. L’actuel chef de l’état, Anibal Cavaco Silva, candidat à sa propre succession – et le favori dans les sondages – a repris l’initiative politique, s’affirmant comme le seul réellement compétent pour ramener le pays dans les limites fixées pour les pays membres de l’Euroland.
A 74 ans, cet économiste membre influent du Parti Social Démocrate (PSD, droite libérale) vient d’évoquer une crise générale, qui n’est plus seulement économique et sociale, mais aussi politique. Il a ainsi lancé un sérieux avertissement : le chef de l’Etat élu retrouvera la possibilité de dissoudre le gouvernement.
Une éventuelle instabilité institutionnelle serait un scenario catastrophe. Mais laisser planer le doute quant à la survie politique de Socrates peut permettre au PSD, tenu à l’écart des affaires du pays depuis longtemps, de revenir sur le devant de la scéne.