Blanc bonnet et bonnet blanc, les Portugais en sont convaincus, la réélection dimanche du Président sortant de centre droit, Anibal Cavaco Silva avec une majorité cependant moins large que prévu par les sondages, ne changera rien à rien. Bien que… Le régime semi-présidentiel portugais donne des pouvoirs plus importants qu’on ne le croit au chef de l’Etat. La cohabitation avec le chef du gouvernement socialiste, José Socrates, s'annonce tendue.
Lassés d’une crise qui n’en finit pas, rares sont les Portugais ayant été convaincus que l'un des six candidats en lice aux présidentielles de dimanche ait un programme et une stature suffisants pour sortir le pays du marasme. Ne pas aller voter a traduit, pour plus d'un électeur inscrit sur deux, à la fois leur sentiment d’abandon et le peu de confiance dans les politiques. La victoire annoncée d'Anibal Cavaco Silva réélu dimanche 23 janvier président du Portugal au premier tour du scrutin présidentiel avec plus de 54%, a réduit encore un peu plus la motivation. Les enjeux de ce scrutin étaient pourtant importants.
Bonnet blanc et blanc bonnet
Si les candidats avaient pris le temps de faire le pied de grue devant un centre d’emploi de Lisbonne pour interroger des chômeurs, ils auraient pu avoir au moins une certitude: les élections présidentielles sont le cadet des soucis des nombreux Portugais privés d'emploi. Les demandeurs d’emploi expriment surtout un certain fatalisme : tout ceci est bonnet blanc et blanc bonnet ! L’expression n’existe pas en portugais, mais les périphrases qu’utilisent les chômeurs du centre d’emploi sont tout aussi parlantes : les dés sont jetés et la réélection quasi certaine du président sortant ne changera rien à rien.
Le marasme est profond. La crise économique est la plus grave depuis trente ans, et pour s’en sortir, le pouvoir a imposé des mesures d’austérité à la sévérité inédite pour réduire rapidement le déficit et empêcher la dette publique de continuer à déraper.
Conséquence concrète pour les chômeurs du centre d’emploi, les indemnités ont été réduites comme une peau de chagrin. Ils sont devenus soudain trop nombreux :11 % de la population active, alors qu’ils n’étaient « que » 6 à 7 % il y a trois ans.
La "chasse au gaspi" menée par le gouvernement est ouverte, et la population ressent un fort sentiment d’injustice alors que le pays devient de plus en plus inégalitaire. Cette dure réalité semble être passée au-dessus de la tête des six candidats durant la campagne électorale. Ils ont tous entonné le même discours: l’austérité est un mal nécessaire. Pour le reste, le débat s'est focalisé sur la cohabitation entre le président de la république et le chef du gouvernement.
Un régime semi-présidentiel original
"Nous avons besoin d’un président qui parle de confiance et non de méfiance, un président qui parle de stabilité politique et non pas de crise politique, autrement dit, un président qui cherche à faire l’unité des Portugais" a prévenu le premier ministre socialiste José Socrates. Un avertissement encontre du chef de l’Etat, Anibal Cavaco Silva, candidat de centre-droit réélu pour un second mandat. Porté par sa confortable avance dans les sondages, il avait cherché à donner une tournure dramatique à la campagne, en évoquant l’éminence d’une crise politique qui viendrait s’ajouter aux crises économiques et sociales.
En se positionnant comme le seul véritablement capable de redresser le pays, il a provoqué des remous dans la campagne soporifique. Les propos du chef de l’Etat sortant pose le problème central de la répartition des pouvoirs au Portugal, sous un régime semi-présidentiel. Car, et au contraire de ce que beaucoup pense, la fonction présidentielle est loin d’être seulement honorifique.
Le chef de l’Etat Portugais possède le pouvoir de dissoudre l’Assemblée Nationale et de convoquer de nouvelles législatives et il peut aussi démettre directement le gouvernement. Garant des institutions, il est le chef suprême des armées, et peut utiliser son droit de veto contre des lois qu’il juge inappropriées.
Arme de dissuasion
En se montrant combattif, Cavaco Silva avait voulu rappeler qu’un deuxième mandat lui donnerait toute la légitimité politique nécessaire pour se débarrasser du premier ministre socialiste José Socrates. Des propos va-t-en-guerre jugés souvent opportunistes au moment même où des révélations sur un possible délit d’initié le concernant mettaient en cause sa crédibilité, et entrainaient un début de chute dans les sondages.
Le président a alors fait marche arrière, expliquant qu’il n’avait pas réellement d’appétit pour une telle "bombe atomique". Mais certains observateurs politiques estiment que la mise en garde a été suffisamment claire, et que le président saura manier l’arme de dissuasion. Dès le 9 mars, jour de la prise de fonction, le chef de l’Etat retrouvera le pouvoir de dissoudre l’Assemblée.