Silvio Berlusconi est de plus en plus empêtré dans le scandale du "Rubygate". La justice, le patronat italien et, ce qui est sans doute la menace la plus sérieuse pour lui, l'Eglise, lui demandent des comptes. Mais qui est vraiment Ruby? Itinéraire d'une adolescente marocaine devenue star pour avoir été la femme objet d'un chef de gouvernement septuagénaire en quête de jeunes filles en fleurs.
Les avocats de Silvio Berlusconi présentent aujourd'hui le dossier de la défense dans le "scandale Ruby". Le chef du gouvernement est soupçonné d'avoir payé les services d'une mineure.
Dans le même temps, la "patronne des patrons" italiens, Emma Marcegaglia expliquait dimanche soir à la télévision: "Quand je suis à l'étranger, je dis toujours qu'il existe une autre Italie, qui se couche tôt et se lève tôt pour aller travailler". Autre difficulté, certainement plus inquiétante pour le Cavaliere : lors de la réunion ce lundi à Ancône des évêques italiens, le chef de l'Eglise italienne, le cardinal Angelo Bagnasco, devait faire un "rappel à l'ordre sévère sur la moralité", selon le Corriere della Sera.
Le parquet de Milan affirme disposer d'"éléments probants" prouvant que Sylvio Berlusconi a rémunéré les prestations de Ruby, quand elle avait moins de 18 ans.
La presse, c’était prévisible, a baptisé ce scandale le "Rubygate". Une affaire qui risque sérieusement d’emporter dans la tourmente le premier ministre italien Silvio Berlusconi, pour "incitation à la prostitution de mineure" et "abus de fonction". Le scandale a fait le tour des médias internationaux. Articles et reportages regorgent d’images de la jeune femme, Karima El Mahroug.
Sauf que presque personne n’utilise son vrai nom. On préfère le surnom "Ruby Rubacuori" (Ruby la voleuse de cœurs) ou la version brève, Ruby. Seule exception, la presse britannique. Apparemment les journaux d’outre-Manche trouvent plus raisonnable appeler la jeune femme par son vrai nom, "Miss Karima El Mahroug", tout en mentionnant, en passant, son sobriquet.
Décontractée et sûre d’elle
Revenons en Italie. Dans les interviews télévisées qu’elle a commencé à accorder, Karima apparaît décontractée et sûre d’elle. Elle parle couramment italien, s’habille comme toute aspirante starlette qui se respecte, répond sans hésitation aux questions.
Quand elle parle de ses relations avec le chef du gouvernement italien, elle a quelque chose d’étrangement familier. Avant Karima, il y a eu Noemi, Patrizia, Barbara, Nicole … et toutes ont déclaré être intimes avec le Cavaliere. Mais Karima est spéciale : dans cette galerie de jeunes beautés dangereusement proches du septuagénaire Berlusconi, elle est la première étrangère qui a réussi à vraiment faire parler d'elle.
Née en 1992 à Fquih Ben Salah, au Maroc, Karima est arrivée en Italie en 2001. La famille El Mahroug vit près de Letojanni, une petite ville de la province de Messine, en Sicile. Les photos publiées dans l’édition locale du quotidien Repubblica montrent un édifice délabré, dans une rue menacée par les débordements d’un torrent voisin. Cette pauvreté, Karima veut l’éloigner de sa vie. Poursuivant le bonheur et la célébrité, elle s’enfuit de chez elle.
Conversion au catholicisme
Le départ marque une coupure nette avec ses origines. Dans une interview accordée le 19 janvier, Karima déclare avoir renié la religion de ses parents (le père lui aurait jeté de l’huile bouillante sur la tête parce qu’il n’approuvait pas sa conversion au catholicisme). Lors de sa première rencontre avec Berlusconi, elle a eu honte de dire qu’elle était marocaine. En Italie, depuis les années 80, « marocchino » est employé dans les discours racistes pour indiquer les immigrés tous confondus.
Pourtant, dès le début de l’affaire, la presse italienne insiste sur sa nationalité. La curiosité générale est piquée par cette "jeune marocaine". Elle a un côté exotique, donc inoffensif. Rien à voir avec les "autres" immigrés, ceux qui doivent se battre pour être acceptés en tant que nouveaux citoyens italiens.
En entrant dans la galaxie milanaise des boîtes et des starlettes, Karima est passée au-delà des préjugés. "C’était une tzigane, elle est devenue une star", résume brutalement un internaute. Star, ou plutôt femme-objet. Voilà un des messages du scandale: en Italie, une discrimination ne s’efface que pour être remplacée par une autre.