Le procès sous haute tension de treize membres présumés des "Conspiration des cellules de feu", jugés pour plusieurs attentats, reprend ce lundi. Depuis 2008, les groupes anarchistes grecs font exploser régulièrement des engins incendiaires. La population affiche une attitude compréhensive vis-à-vis de cette mouvance.
Ce lundi, reprend le procès de treize membres présumés des "Conspiration des cellules de feu", après une semaine d’interruption. La pression était telle qu’il a lieu dans une prison, celle de Korydallos, dans la banlieue d’Athènes, toutes les autres juridictions s’étant fait porter pâles.
Les neufs accusés sont des jeunes gens, d’une vingtaine d’années. Ils sont jugés pour plusieurs attentats commis depuis 2008, notamment l’envoi de colis piégés à plusieurs ambassades, ainsi qu’au président de la République française et à la Chancelière allemande. Mais, seuls deux d’entre eux revendiquent leur appartenance à ce groupe anarchiste.
Héritiers de la lutte contre la dictature
Ce procès n’est que le dernier en date d’une longue série. Depuis quelques années, les violences étiquetées comme "terroristes" par les autorités se multiplient. Et le groupe "Conspiration des cellules de feu" n’est que la énième version d’une tradition anarchiste qui se veut l’héritière de la lutte estudiantine contre la dictature.
En novembre 1973, en pleine junte des colonels, le Polytechnion (Université d’excellence) a abrité la première manifestation massive de résistance contre le régime militaire. Les étudiants, revendiquant "du pain, de la liberté et de l’éducation", ont été rejoints par la population. La répression a été féroce : les tanks de l’armée ont défoncé les barrières de la faculté, faisant de nombreux morts. Neuf mois plus tard, la dictature était renversée.
Tous les groupes d’inspiration anarchiste s’inscrivent dans cette lignée. Le plus célèbre d’entre eux, le groupe du "17 novembre", a incarné la dérive terroriste de cette tradition. L’arrestation de ses dirigeants, suivie d’un long procès avait aussi donné lieu à de hautes mesures de sécurité. D’autres groupes, comme l’ELA ou la "Conspiration des Cellules de feu" ont pris la relève.
Pas un jour sans dégâts matériels
Mais, c’est depuis décembre 2008, date à laquelle le jeune Alexis Grigoropoulos a été assassiné par un policier – finalement condamné à une lourde peine – que le climat s’est vraiment tendu dans la capitale grecque, tout comme dans le reste du pays. La semaine de manifestations très violentes qui ont suivi ce meurtre, mettant le centre-ville à feu et à sang, a été le point de départ d’actions quasi quotidiennes.
Pas un seul jour sans que n’éclate dans un ministère, une banque, une chambre de commerce (le dernier en date, la gréco-chinoise), ou encore devant l’ambassade américaine, un engin incendiaire occasionnant d’importants dégâts matériels.
Ces "gazakia", comme les surnomme les Grecs, sont tellement devenus monnaie courante qu’il faut qu’il y ait mort d’homme pour que les journaux en parlent. Comme l’assassinat en juin dernier d’un journaliste, tué à bout portant ou celui, il y a quelques mois, du chef de la sécurité du ministre de l’intérieur, par l’explosion d’un colis piégé, parvenu sans encombre directement dans le bureau du ministre.
Hydre de Lerne
Toute cette mouvance est de plus en plus présente dans la vie du pays, avec des membres présumés de plus en plus jeunes. A chaque fois qu’un groupe est décapité, il renait, tel l’Hydre de Lerne, sous une autre forme. Et demeure un mystère insondable pour les observateurs politiques ou les sociologues. Aucun gouvernement, ni celui conservateur de la Nouvelle Démocratie, ni celui actuel du PASOK n’a réussi à circonscrire le phénomène.
De nombreuses questions se posent sur l’identité, les motivations, les financements et les alliances de ces différents groupes. La vitalité sans cesse renouvelée de ce que l’opinion publique surnomme les "connus-inconnus" fait s’interroger aussi sur leurs liens troublants avec le pouvoir.
Attitude compréhensive
La situation générale du pays, mélange explosif de crise économique et suite sans fin de scandales politico-financiers, aggravée par le plan de rigueur drastique qui lamine les couches moyennes, explique en partie que la population exprime de façon non voilée, si ce n’est une adhésion, du moins une attitude compréhensive vis-à-vis de cette mouvance. Surtout quand elle s’exprime de façon plus créative avec l’action des "Robin des gondoles", des bandes de jeunes gens qui pillent les supermarchés et distribuent les denrées à tous les clients, en signe de protestation contre la vie chère et la corruption du système.