Troisième manifestation en Hongrie ce jeudi 27 pour protester contre la nouvelle loi sur les médias qui défraie la chronique depuis le début du mois. Attila Mong, journaliste à la radio publique ayant été suspendu avant même l’institution de la haute autorité contrôlée par le parti du 1er Ministre Viktor Orban, revient avec nous sur la liberté de la presse en Hongrie.
Quelle est votre situation en ce moment depuis que vous avez effectué une minute de silence le 21 décembre ?
Il faut rappeler que nous avons été, avec un de mes confrères, suspendus avant que la nouvelle loi sur les médias portée par le Fidesz soit appliquée. La direction de la radio nous reproche d’avoir bravé les règles internes en exprimant un commentaire personnel dans notre émission.
Le règlement intérieur de Kossuth Radio est antérieur à la nouvelle loi sur les médias. Il y avait déjà des règles strictes établies pour l’audiovisuel public par la loi de 1996 : nécessité de contenu équilibré, pas d’expression d’opinion personnelle.
Il y a eu déjà deux audiences, l'une administrative, l'autre pour connaître les raisons de notre acte. Maintenant, il va y avoir un protocole d’action à accepter puis une décision de la radio sur notre sort : plusieurs sanctions sont possibles, selon le code du travail hongrois, elles vont du simple blâme oral au licenciement immédiat en passant par des amendes.
En Europe occidentale, les médias s’intéressent beaucoup à cette loi sur la presse. Quel est le sentiment à Budapest ?
Je ne veux pas parler au nom de tous les journalistes, mais tous ceux que je connais sont mécontents. La profession n’a pas été bien consultée, il n’y a pas eu de véritable débat public. Actuellement, nous voulons essayer de convaincre le gouvernement qu’il faut modifier la loi : à cause de la transposition au niveau européen, mais aussi pour préserver la liberté d’expression en Hongrie.
La Commission européenne a envoyé une lettre à Viktor Orban vendredi 20 janvier en lui demandant d’effectuer certaines modifications. Le Parlement européen a réagit plus énergiquement lorsque votre Premier Ministre s’est rendu à Strasbourg, exigeant le retrait de la loi. Qu’attendez vous de l’Europe aujourd’hui ?
Il peut y avoir une pression importante de la part de l’Europe, c'est même nécessaire, mais il ne faut pas surévaluer la capacité de l'Union européenne, dans la mesure où il n’y a pas de directive européenne spécifique sur la liberté de la presse, ce n’est pas dans l’acquis communautaire. La marge de manœuvre de Bruxelles est limitée, de plus, ce n’est pas uniquement à l’Europe de résoudre ce problème : c’est notre loi, c’est aux citoyens et aux journalistes hongrois d'agir pour la liberté de la presse.
Les gens se mobilisent en ce moment. Il y a eu une manifestation il y a deux semaines, une autre jeudi. Il n’y a eu que quelques milliers de personnes, mais ce nombre n’est pas négligeable compte tenu du climat! Plus sérieusement, il y a une mobilisation très importante grâce à Facebook et aux médias sociaux. Cela montre que les Hongrois se mobilisent, d’autant plus que ce n’est pas une question économique qui touche à la vie quotidienne, à la situation financière. Le droit à la liberté d’expression est, malheureusement, assez loin des préoccupations quotidiennes des citoyens, mais il se passe quand même quelque chose.
Le gouvernement hongrois va-t-il modifier ou annuler cette loi liberticide?
D’une manière générale, je suis toujours confiant pour l’avenir. Et là aussi. Je pense qu’il est très important que cette loi qui est arrivée sans débat préalable – ni public, ni professionnel – provoque une telle réaction. C’est d’une importance majeure. Cela prouve qu’il y a une force civile dans la société, une force qui peut contraindre le gouvernement à faire marche arrière .