Avec l'Italie, la France est le seul pays à maintenir le principe de l'accouchement sous X totalement anonyme. Un principe aujourd'hui remis en cause par la Justice. Pour éviter les abandons, l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas et la Pologne privilégient un autre système : des "boites à bébé" (Babyklappen) qui permettent aux mamans de laisser un nouveau né sans dévoiler leur identité.
L’accouchement sous X, permettant à la mère biologique de ne pas révéler son identité vivrait-il ses derniers jours en Europe ? Autorisé par la loi en France et en Italie, et sous certaines conditions dans d’autres pays comme en Allemagne pour les femmes en état de détresse, il est aujourd’hui remis en question, au nom du droit des enfants à connaitre leurs origines.
En France, la députée (UMP) Brigitte Barèges à remis cette semaine un rapport au Premier ministre. Elle prône de recueillir systématiquement l'identité de la mère accouchant sous X et son dossier médical. Devenu majeur, l'enfant pourrait choisir d'accéder à ces informations, conservées en lieu sûr. François Fillon plaide pour une révision de la loi et le gouvernement a annoncé sa volonté d’engager une nouvelle réflexion.
Hasard du calendrier, la cour d’appel d’Angers vient d'annuler l’arrêté qui faisait d’un bébé née sous X en juin 2009 une pupille de l’État. Une première. L’enfant a été confié à ses grands-parents maternels contre la volonté de sa mère biologique.
La question à trancher n'est pas de savoir si la volonté des grands-parents doit supplanter celle des parents et en l'espèce celle de la mère (…), mais de rechercher l'intérêt supérieur de l'enfant tel qu'il a été posé en principe par la convention de New York du 20 novembre 1989,
Précise la Cour dans sa décision.
"Berceaux contre l'abandon"
L'article 250 du Code civil italien et la loi 127/97 garantissent le droit à un accouchement secret et anonyme. La maman dispose de dix jours la naissance de son enfant pour décider si elle souhaite le reconnaître ou si elle préfère le confier aux institutions italiennes pour adoption.
L'accouchement sous X est notamment défendu par les organisations "pour la vie", très actives actuellement. Dans plus d'une trentaine de villes italiennes, des "Berceaux contre l'abandon" ont même été mis en place: ils sont mis à dispositions des mères qui voudraient abandonner leurs enfants anonymement au sein même des maternités.
Boites à bébé
En Allemagne, par contre, l'accouchement sous X, fait débat. Il est autorisé sous certaines conditions depuis 1999. Dans la foulée, se sont mises en place des "Babyklappen", des sortes de "tiroirs" dans lesquelles les mères peuvent laisser les nouveaux nés sans dévoiler leur identité.
Pris en charge par des médecins, ces enfants sont alors confiés à des familles souhaitant les adopter. La mère biologique a un délai de huit semaines pour changer d'avis. Les premiers centres d'accueil ont vu le jour à Hambourg en 2000. Il en existe aujourd'hui 80 que l'on retrouve dans des hôpitaux ou dans des institutions privées dépendant des Églises.
En dix ans, ce sont 209 enfants qui y ont été déposés – sur les 500 qui sont nés de mères anonymes. En novembre 2009, une commission éthique s'est prononcé contre ces Babyklappen et a demandé la mise en place d'une procédure basée sur la "confiance" entre les institutions légales et les mères souhaitant garder l'anonymat.
L'idée est que ces dernières transmettent des informations sur leur identité avec l'assurance qu'elles ne seront pas dévoilées aux autorités. En Bavière, les partis conservateurs (CSU et CDU) et le FDP ont mis en place une commission chargée de préparer une loi sur "la naissance en confiance".
Autriche : le droit des femmes avant le droit des enfants
En Autriche, une commission de bioéthique s'est en revanche prononcée en 2010 contre l'abolition de ces Babyklappen controversées. Autrement dit, à l'inverse de ce qui est préconisé en France et en Allemagne, les autorités estiment qu'il faut maintenir la possibilité pour les femmes d'accoucher anonymement. Argument évoqué: le risque de voir certaines mères accoucher clandestinement, ce qui peut être fatal pour l'enfant qui a besoin de soins, mais aussi pour la maman en cas de complications.
Dans ce pays où le droit des femmes prime sur le droit de l'enfant, ces Klappen existent depuis 2001 et 19 bébés ont été retrouvés par ce biais jusqu'en 2008, ce qui reste donc marginal et confirme que ces Klappen servent dans des cas extrêmes. Il existe 14 de ces trappes dans les hôpitaux dans tout le pays. Après une période où la mère peut revenir chercher son nourrisson (6 mois pendant lesquels l'enfant est placé en famille d'accueil), ce dernier est offert à l'adoption plénière.
Sans avoir légiféré sur l’accouchement sous X, d'autres pays ont, eux aussi, créé des babyklappen.
- La Hongrie a joué les précurseurs : la première Babyklappe a vue le jour en 1996 et il y a en aujourd'hui une douzaine.
- Les Pays Bas où la première a été installée en 2003 à Amsterdam et avait suscité de nombreuses protestations.
- En Pologne, après Cracovie en 2006, suivie de Varsovie en 2008, la dernière en date a été installée à Stettin en novembre 2010.