Les expulsions de sans papiers bloquées
Des centaines de sans papiers ont pu éviter la reconduite à la frontière depuis la décision du tribunal administratif de Paris du 10 janvier estimant non conforme à la législation européenne la procédure d'expulsion.
Christophe Pouly est le premier avocat à avoir obtenu une décision favorable du tribunal administratif de Paris à la suite de sa demande d'annulation d'une décision de reconduite à la frontière. Il a plaidé avec succès un vide juridique du fait de la non transposition dans le droit français de la directive européenne dite "retour". "Toute personne peut utilement soulever ce moyen et obtenir l’annulation de la décision de sa reconduite à la frontière" affirme Christophe Pouly.
Cette transposition, qui aurait dû être réalisée au plus tard avant le 24 décembre, figure dans la nouvelle loi Besson-Hortefeux sur l'immigration – la 7ème du genre depuis le début du mandat de Nicolas Sarkozy – approuvée en première lecture à l’Assemblée nationale et examinée au Sénat depuis mardi.
En France, les sans papiers arrêtés par la police sont présentés dans un délai de 48 heures au juge des libertés et de la détention pour être maintenus en rétention, puis renvoyés à la frontière. Mais l’article 7 de la directive oblige les pays de l’UE à laisser 7 jours aux clandestins pour organiser leur départ. Me Pouly s'est appuyé sur cette "erreur de droit", du fait de la non-transposition de la "loi" européenne.
Serge Slama, du Groupe d’information et de soutien aux immigrés, évalue à "une centaine" le nombre d’immigrés à avoir, à la suite de la décision du tribunal administratif de Paris, été libérés, voir régularisés.
Des décisions similaires ont été prises par des tribunaux à Lille, Lyon et Rouen.
Pour Serge Slama, cette directive européenne "peut être invoquée – directement ou indirectement – depuis le 24 décembre 2010 et si la loi française actuelle ne respecte pas les objectifs de cette directive, elle n'est plus applicable".
Au ministère de l’immigration, on estime, au contraire, "qu’il ne revient pas à tel ou tel tribunal administratif de se prononcer de manière définitive sur cette question très technique de l’application de certaines stipulation de cette directive". Et d'ajouter que "C’est au Conseil d’Etat, saisi par le tribunal administratif de Montreuil d’une demande d’avis, qu’il revient de se prononcer sur cette question juridique".
L'avis sur cette question de droit du Conseil d'Etat est attendue d'ici quelques jours.
(Mis à jour le 3 février en tenant compte des précisions de Serge Slama. Voir sa réaction ci-dessous)