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Belgique: pas de gouvernement, pas de sexe !

mardi, 8 février, 2011 - 18:19

Le 6 février, la sénatrice Marleen Temmerman, du Parti socialiste flamand, a lancé l'énième initiative pour tenter de secouer les partis politiques: les femmes belges sont invitées à "garder leurs jambes fermées" jusqu’à la formation d'un gouvernement. Un moyen également de protester contre la domination des hommes en politique.

Les Belges auront tout essayé : la marche de la honte, le camping virtuel, la barbe contestataire promue par l’acteur Benoît Poelvoorde, le Belgomaton sur le site du journal Le Soir… Autant de tentatives de secouer les partis politiques qui, depuis les élections du 13 juin 2010, n’arrivent pas à conclure les négociations et à former un gouvernement. Le 6 février, la sénatrice Marleen Temmerman, du Parti socialiste flamand, a lancé la dernière initiative : la grève du sexe.

Une technique "vieille comme le monde"

La tactique n’est pas nouvelle: Temmerman en a évoqué l’illustre inventeur (Aristophane dans sa comédie Lysistrata) et dit s’être inspirée des femmes kényanes qui, en 2009, ont rappelé les politiciens au devoir grâce à une efficace "semaine de l’abstinence". On pourrait citer d’autres exemples, plus ou moins nobles : en Colombie les femmes ont nié leurs faveurs en 2006 pour protester contre la violence des gangs; les Napolitaines ont adopté la même mesure pour essayer de limiter les victimes des pétards tirés illégalement la nuit du 31 décembre; Victoria Beckham est, elle, restée de glace après que son mari David a refusé de lui acheter un bateau pour son anniversaire…

Tous ces précédents ont un point en commun : des femmes lasses, irritées ou préoccupées, jouant la carte du sexe pour pousser les hommes au changement. Il semblerait donc, du moins selon Temmerman, que le sort de la Belgique soit exclusivement entre les mains de politiques… hommes. En est-il ainsi ? Quelle est la place des femmes dans la politique du pays?

Où sont les femmes ?

Voyons tout d’abord les chiffres. Parmi les sept partis qui participent aux négociations, deux ont une femme à la présidence: Joëlle Milquet pour le Centre démocrate humaniste et Caroline Gennez pour le Parti socialiste flamand. Sarah Turine est coprésidente d’Ecolo, tandis que Christie Morreale et Cathy Berx sont vice-présidentes respectivement du Parti socialiste francophone et du CD&V (les démocrates-chrétiens flamands). Frieda Brepoels estv secrétaire générale de la N-VA (nationalistes flamands). Seul Groen! (parti écologiste flamand) n’a pas de femme aux postes-clé.

Pour ce qui est du gouvernement démissionnaire (Leterme II), sur les quatorze ministres, cinq sont des femmes. Et, depuis les élections de juin 2010, 59 femmes siègent à la chambre des représentants (39,33%) et 17 au sénat (42,50%).

 

D'après le classement établi par l’Union interparlementaire, sur la part des femmes dans les Parlements nationaux en Europe, la Belgique est à le 9ème place, derrière la Suède, les Pays-Bas, la Finlande et la Norvège, mais largement devant le Royaume-Uni (52ème), l’Italie (54ème ) et très loin devant la France (62ème).

 

 

 

 

Au cours de ces dernières années, la présence des femmes dans la politique belge a augmenté lentement. On note cependant des moments significatifs, comme lorsque Fadila Laanan, née à Bruxelles de parents marocains, a été désignée Ministre de la culture, de l’audiovisuel et de la jeunesse au gouvernement de la Communauté Française en 2004. Par rapport à d’autres pays européens, la Belgique peut se vanter d’un certain nombre de femmes politiques issues de l’immigration.

Un peu d'histoire

Les femmes belges ont obtenu le droit de vote aux élections parlementaires et provinciales en 1948, mais leur entrée dans la vie politique du pays remonte à 1920 : c’est alors qu’une loi leur accorde non seulement le droit de vote aux élections communales, mais aussi celui de se faire élire à la Chambre des Représentants et au Sénat (elles devaient tout de même demander l’autorisation à leur mari…).

Plus récemment, deux dates sont à signaler : en 1994 la loi "Smet-Tobback" introduit les premiers quotas dans les listes électorales (2/3 maximum de candidats du même sexe) ; en 2002, suite à une modification de la Constitution, plusieurs lois sont adoptées pour promouvoir la parité dans les listes électorales et la présence des femmes aux différents niveaux de l’exécutif (fédéral, régional etc).

 

Eurodéputées par pays (en % du nombre d'élus)

Une société sexiste ?

Cette évolution ne s'est malheureusement pas accompagnée d'un changement des mentalités aussi rapide. À la veille des dernières élections, un sondage lancé par La Libre Belgique a laissé pantois plusieurs internautes : "Nos femmes politiques sont-elle séduisantes ?". Une galerie de photos illustrait la question. En lisant les commentaires, force est de constater que les internautes sans voix étaient surtout des femmes. Les hommes, eux, avaient plutôt tendance à commenter les photos.

La proposition de Marleen Temmerman s’inscrit en quelque sorte dans la lignée de ce sondage : même si elle se veut "ironique", elle alimente une vision réductive de la femme. De la part d’une socialiste qui a grandi pendant la deuxième vague du féminisme, c’est assez surprenant.




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