Les vacances africaines de Fillon et MAM vues par la presse européenne

Par La Rédaction
"Embarrassantes", "grossière blague" ou encore "véritable désastre politique". La presse européenne critique durement le choix de François Fillon de passer ses dernières vacances en Egypte. Les relations, privées ou politiques, entre des dirigeants français et des chefs d'Etats controversés (Moubarak, Ben Ali) suscitent l'ironie, l'inquiétude ou la colère. Petit tour de la presse européenne.
"Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille" avait coutume de dire Jacques Chirac. Pour l'actuel gouvernement, les nouvelles du ciel sont mauvaises et les révélations pleuvent. En cause, les vacances à l'étranger et les déplacements privés de François Fillon et de Michèle Alliot-Marie. Chaque fois, de nouvelles révélations de la presse mettent à mal leur stratégie de communication et de défense fondée sur le déni. Et nos voisins ne s'y trompent pas non plus, vu les réactions des journaux.
Les espagnols, très ironiques
"Les vacances de Fillon embarrassent encore plus le gouvernement français" titre El Pais. Le journaliste du quotidien espagnol explique les déboires dans lesquels sont empétrés les ministres français et donne une analyse, pour le moins lapidaire : "La nouvelle serait passée plus ou moins inaperçue dans un autre autre pays, à un autre moment et avec un autre gouvernement. Mais pas maintenant, dans une Egypte enflammée qui montre la porte de sortie à Moubarak et avec un gouvernement français déjà impliqué dans un cas similaire". Et vlan, dans les dents !
"Faveurs égyptiennes, dynamite politique". Le journaliste d’ABC parle d’un "danger politique inflammable" et note que les dictateurs, hier alliés de la France, aujourd’hui controversés, obligent les politiques à des exercices diplomatiques périlleux. Exercice auquel Michèle Alliot-Marie et François Fillon, commente-t-il, se sont cassé les dents.
Dans son article, le journaliste d’El Mundo choisit l’ironie pour traiter le sujet et reproduit le message qui, d’après les mauvaises langues, aurait été envoyé par Nicolas Sarkozy à ses ministres : "Il est interdit aux ministres et secrétaires d’Etat de ce gouvernement d’emprunter un moyen de transport qui ne soit pas payé par les deniers publics. Particulièrement dans les pays où les gouvernements sont suspectés de corruption ou avec des régimes ouvertement dictatoriaux". Et de conclure sur le même ton : "Cela sonne comme une grossière blague politique, mais comme on dit en Italie, se non è vero è ben trovato [si ce n'est pas vrai, c'est bien trouvé]".
Fillon chez les despotes
En Italie justement, Stefano Montefiori du Corriere della Serra, écrit que les vacances de Noël en Afrique du nord des membres du gouvernement sont en passe de devenir un véritable désastre, sinon politique, du moins d’image pour le moment. Sur les rebondissements entre les vacances de la ministre des Affaires étrangères et du Premier Ministre, le journaliste cite Noël Mamère : "Maintenant je comprends mieux pourquoi Fillon continuait de défendre Michèle Alliot Marie". Et de finir sur l’escapade à New York, le week-end dernier, de Nicolas Sarkozy "qui avait promis une République irréprochable", pour aller voir son fils Louis. "Mais là au moins, pas de dictateur".
Moins de réactions en Allemagne, où seul le Suddeutsche Zeitung fait référence à un nouveau volet des rebondissements des frasques françaises en titrant : "Vacances chez les despotes : François Fillon". Sans s’appesantir sur les détails de l’affaires, le journal affirme que Sarkozy a désormais interdit à ses ministres de partir en vacances à l’étranger.
Shoking !
Les journaux anglais soulignent tous "le contrôle sans précédent" des liens entre les ministres français et les dirigeants des pays de la rive sud de la Méditerranée, et The Guardian de souligner que "Fillon est le second ministre à devoir avouer avoir bénéficié de largesses de la part de leaders autocratiques en quinze jours". Le journaliste analyse de façon ironique la stratégie de communication du Premier Ministre français dont le cabinet dit avoir donné l’information "par souci de transparence", alors que le Canard enchaîné allait la révéler le lendemain.
Le Times est beaucoup plus critique quant au gouvernement de Nicolas Sarkozy, mettant en cause la relation "confortable" de la France avec les régimes Arabes tombés dans le discrédit : "Sarkozy touché par des turbulences sur le vol gratuit d’Air Moubarak" titre-t-il ainsi. Le journaliste livre une analyse à deux niveaux des conséquences pour le gouvernement : les ministres français appartiennent à une élite déconnectée du quotidien et mènent une politique étrangère favorable aux régimes dictatoriaux, envoyant même des équipements militaires, ce qui constitue aujourd’hui un "problème embarassant". "L’une des initiatives politiques les plus remarquables de Sarkozy a été la création de l’Union pour la Méditerranée. Il y a installé Moubarak en tant que co-président et a cultivé des liens forts avec le leader égyptien, dans lequel il voyait la clé pour le déblocage du processus de paix au Moyen Orient". Oups, mauvaise réponse …
Le Daily Telegraph rappelle, quant à lui, une histoire similaire à celle de Fillon. Tony Blair avait provoqué un scandale en 2001 en acceptant des vacances de Noël payées par Moubarak (encore lui). Les billets d’avion et l’hebergement de l’ancien Premier Ministre et de sa famille avaient été fournis par le président égyptien. "En contrepartie, Monsieur Blair rapporte qu’il avait fait des 'donations' à des œuvres caritatives choisies par ses hôtes". So British !