Les Contes de la nuit, de Michel Ocelot sort aujourd'hui sur les écrans. Le dessinateur de Kirikou y reprend une technique d’ombres chinoises inventée dans les années 1920, mais la transpose en 3D. MyEurop l'a rencontré à l'occasion du festival de cinéma de Berlin, où il était présenté en avant-première. Interview.
Une jeune fille changée en corbeau, un garçon aztèque détournant sa tendre et chère du sacrifice, un cheval qui parle, une jument qui chante… Le prochain film de Michel Ocelot, le papa de Kirikou, est l’un des films français en compétition à la Berlinale. Normal : Les Contes de la nuit reprend une technique d’ombres chinoises inventée dans les années 1920 par Lotte Reiniger. Mais aujourd'hui en 3D !
Comment avez-vous réagi quand vous avez appris que votre film était en compétition officielle à la Berlinale ?
J’ai été très étonné, mais très heureux, je dois dire. Dans ma vie, il y a eu deux périodes : l’avant Kirikou et l’après Kirikou. Avant Kirikou, je n’avais pas de moyens, j’étais un chômeur longue durée, je rêvais de me tuer à la tâche, mais on ne m’accordait pas les outils pour le faire… Même le tournage de Kirikou était acrobatique: le film a été tourné dans plus de 5 pays différents, sans beaucoup de budget. Après Kirikou, j’ai eu de plus en plus de liberté et de moyens. Aujourd’hui, c’est formidable ! Je me prends à rêver : Myazaki a remporté l’Ours d’or de la Berlinale, les Allemands ont un goût pour l’animation, alors qui sait ?
Un petit garçon africain a fait votre succès. Est-ce que vos histoires sont écrites pour les enfants ?
Je n’ai jamais décidé de créer pour les enfants. A la fin de mon premier film, les personnages principaux étaient brûlés vifs ! C’est une étiquette qu’on m’a collée, parce que pendant des années, l’animation était la chasse gardée du jeune public. On a gravé au fer rouge, "auteur pour enfant", mais je travaille pour tout le monde. Cette étiquette me déplaisait vraiment au début, mais maintenant j’en joue. Les enfants sont mon cheval de Troie. Je m’adresse à eux avec respect, parce que j’ai gardé en moi tous les âges de ma vie, comme des poupées russes. Pour moi, les sujets de mes contes sont très profonds, très sérieux… Le seul un peu léger est le conte antillais, avec l’insolent Ti jean.
Comment avez-vous trouvé votre style particulier ?
Je dois beaucoup à Lotte Reiniger: je lui dois ma survie. Son œuvre a été une vraie source d’inspiration pour moi. J’ai commencé ce qu’au 19ème siècle on appelait le théâtre d’ombres suite à un atelier avec des enfants. Je me suis rendu compte qu’ils animaient plus vite que moi ! La beauté et la simplicité des ombres chinoises, leur élégance et leur capacité d’expression me sont apparues comme la suite naturelle de mon travail. En plus, c’est la méthode la meilleure marché qui existe !
La simplicité extrême est mon premier amour, les courts-métrages, mon second. Je l’avoue, j’ai trouvé un dispositif, qui était déjà celui de Princes et Princesses, et que je reprend avec Les Contes de la nuit: un vieux cinéma, dans lequel une équipe invente des histoires, des contes… Dans toutes les civilisations, il y a une "introduction" au conte. C’est un appel au plaisir de l’attente, cela pose les règles du jeu. Car c’est un jeu, un conte, on y joue ensemble et c’est juste. C’est un plaisir qu’on ne retrouve pas dans le long. Les formes courtes permettent d’interpeller tout le monde. Mes silhouettes noires, sobres, les histoires simples mettent en branle l’imagination: le cerveau doit remplir les vides ! Et c’est bon de le sentir travailler !
Vous faites des images en deux dimension, pourquoi les représenter en trois D ?
Je ne pense pas plat ! Quand j’imagine une scène, j’imagine plusieurs couches. Pour moi, éloigner les couches pour augmenter l’impression de réalité, c’est logique. Après quand je travaille avec Mac Guff, studio américain habitué aux blockbusters, ils respirent avec moi : je leur commande de la 3D plate ! Ils respirent ! Je suis leur petit espace de liberté ! Le relief plat a beaucoup d’élégance.
Comment imaginez-vous la suite de votre travail ?
Les Contes de la nuit 2 sont prévus pour l’été 2012. Si j’en avais la possibilité, je ne m’arrêterais jamais d’inventer des histoires. Partout, tout le temps, sur un coin de table… J’en ai pour jusqu’à la fin de ma vie ! Même gâteux, je continuerai : je me ferai aider mais je continuerai !