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Crise Belge: la révolution Moules-Frites

jeudi, 17 février, 2011 - 18:30

Avec 249 jours de négociations gouvernementales au compteur, la Belgique vient d'égaler le record mondial détenu par l'Irak. Face à une situation qui risque encore de durer, la mobilisation citoyenne se politise progressivement. Les jeunes Belges ont raz-le-bol des rivalités d'un autre âge entre Wallons et Flamands et veulent faire la révolution "Moules-frites".

Les Belges attendaient cette date fatidique: le 17 février 2011. Pas moins de 249 jours se sont écoulés depuis les élections de juin dernier, et leur pays n'a toujours pas de gouvernement.

Demain, 18 février, avec 250 jours au compteur, les Belges détiendront officiellement le record mondial de non-gouvernement. Précédemment, il avait fallu 249 jours à l'Irak entre les élections de mars 2010 et l'accord entre partis pour former un gouvernement, en décembre 2010.

"L'informateur royal", le libéral francophone Didier Reynders fait de son mieux, mais en deux semaines de tête-à-tête avec les politiciens des deux communautés, il ne se risque même plus à évoquer une possible relance des négociations entre Wallons et Flamands. Le Roi Albert II vient donc de prolonger sa mission de deux semaines, probablement sans y croire.

Situation pourrie

Car qui y a-t-il encore à espérer? Les indépendantistes de la NVA (Alliance Néo-Flamande, parti vainqueur en Flandre) ne semblent pas prêts à lâcher du lest sur une seule de leurs revendications, ayant pour but de déposséder l'État fédéral belge de tout pouvoir au profit des régions et communautés. Dans la soirée du 17 février, le Président de la NVA, Bart de Wever a déclaré: "si cela échoue [les discussions actuelles], alors ce sera des élections".

Autrement dit: les Belges devront peut-être revoter avant même qu'un gouvernement soit formé. Là aussi, il est possible que le pays hérite d'un nouveau record mondial.

La séparation, pas en notre nom

Cette situation ubuesque commence à agiter la société civile belge. En particulier les plus jeunes. Pour célébrer les 249 jours, une série de manifestations ont été organisées dans tout le pays par des étudiants. Le mouvement a pris le nom de "Révolution Moules-frites" en référence aux événements de Tunisie et Égypte. Leur mot d'ordre: "La séparation, pas en notre nom".

A Bruxelles et à Louvain-la-Neuve, les universités des deux communautés linguistiques se sont retrouvées devant le palais de justice. Un millier jeunes avaient fait le déplacement. Un chiffre encore faible pour une ville comme Bruxelles, mais contrairement à la manifestation du 23 janvier, le message n'était pas a-politique. Ils dénonçaient clairement  le "nationalisme" et "le séparatisme" qui menacent leur pays.

Une circonscription nationale unique

Pour Nicolas, de l'université francophone de Saint Louis, "oui, la NVA est un parti nationaliste qui sait ce qu'il veut. Et en face, les politiciens wallons ne proposent rien de concret. Aucun projet de vivre ensemble".

 

Parmi les revendications: le maintien d'une solidarité nationale via la sécurité sociale et la création d'une circonscription électorale fédérale pour recréer une espace politique commun aux différentes communautés du pays. "Aujourd'hui, un politicien flamand n'a aucun intérêt à travailler pour l'intérêt de tous puisqu'il n'est redevable que devant les Flamands. Pareil pour les francophones. Cela doit changer. Il nous faut cette circonscription nationale unique".

Belgique à papa

Souvent, les politiciens flamands et en particulier ceux de la NVA, tournent en dérision ces initiatives qui ne seraient que le fait de francophones regrettant la "Belgique à papa".

"C'est faux !" affirme Nicolas.

Aussi bien pour la manifestation précédente que pour celle-ci, l'idée est venue de Flamands.

Une délégation d'étudiants de l'université néerlandophone de la ville était là. Pour Stijn,

C'est le discours des partis politiques qui creuse le fossé entre les Belges. Nous avons donné une chance aux politiciens de trouver un accord, nous leur avons laissé 249 jours, maintenant nous en avons raz-le-bol.

Mauvais exemple

Mais alors que faire ?

Je pense qu'il va avoir des élections…même si les résultats ont de fortes chances d'être les mêmes…Je ne sais pas à quoi ce rassemblement d'aujourd'hui va servir, mais au moins les gens verront dans les médias que nous sommes là. Je suis Flamand, j'habite en Wallonie et j'étudie à Bruxelles. Que devrais-je faire en cas de scission ? Je suis Belge. Pour moi, c'est tout simplement impensable que la Belgique disparaisse.

Si Nicolas et ses camarades tiennent à la Belgique c'est "pour le symbole qu'elle représente avec deux peuples de cultures différentes, l'un latin, l'autre germain. Quel exemple donnerions-nous au reste de l'Europe en nous divisant ?"

Après avoir entonné une chanson composée pour l'occasion dans les deux langues, le porte-parole néerlandophone du mouvement "Pas en notre nom – Jeune", Dirk Tuypens s'est excusé de ne pouvoir s'exprimer totalement en français car il ne l'a jamais étudié.

mais maintenant, je vais l'apprendre. Car aujourd'hui, apprendre le néerlandais ou le français, c'est un acte de résistance, de solidarité. 




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