Les cinéastes européens s'inquiètent de l'avenir du 7ème art sur le Vieux Continent. A l'occasion de la Berlinale, une pétition pour le maintien des fonds de l'Union Européenne destinés au cinéma a été lancée, dénonçant leur suppression comme "une atteinte à la création et à la culture, socles de notre identité et de nos valeurs européennes".
Le programme MEDIA de l'Union Européenne, plan de soutien à la production, à la distribution et à la circulation des films à travers l'Europe, d'un montant de 755 millions d'euros pour la période 2007-2013, pourrait ne pas être reconduit. Ce programme, initié il y a 20 ans, "a contribué à bâtir une véritable industrie du cinéma européen et à aider à la création d’œuvres majeures faisant partie aujourd’hui du patrimoine européen", soulignent les signataires de la pétition publiée la semaine dernière sur le site de l'ARP (association des Auteurs-Réalisateurs-Producteurs), parmi lesquels on trouve les noms prestigieux de Ken Loach, Wim Wenders, Costa-Gavras ou Bertrand Tavernier.
Défendre une culture commune
A l'heure où la mondialisation favorise de plus en plus une culture de masse venue des Etats-Unis, Florence Gastaud, directrice générale de l'ARP, insiste sur la nécessité du programme MEDIA pour la vie culturelle de l'Europe.
La suppression de ce programme contraindrait les cinémas nationaux à se refermer sur leur marché national. Ce serait contraire à l'idée de forger une identité européenne, qui passe par les échanges culturels".
Clip promotionnel du Programme MEDIA
Des acteurs très inquiets
Les directeurs des agences nationales du film en Europe -les EFAD- sont très inquiétés par la disparition de MEDIA, comme en temoigne la Déclaration commune de Berlin.
Le programme MEDIA est au coeur du projet européen et constitue un vecteur des valeurs européennes fondamentales que sont la tolérance, l’ouverture à l’autre et la diversité.
MyEurop a interrogé Nicola Jones, du FFA (Filmförderungsanstalt), équivalent allemand du CNC, sur les enjeux du maintien de ce programme pour la pérennité d'un cinéma européen qui sorte des frontières nationales.
Quelles sont vos inquiétudes?
Nikola Jones : Le programme Media arrive à terme fin 2013: la question est de savoir s'il sera prolongé, ou intégré dans d'autres programmes culturels? Si c'est le cas, son influence sera de toute façon moindre. Or des bruits circulent. Les premières rumeurs sont parties d'une demande d'évaluation qui a été envoyée par Media à ceux qui bénéficient de son soutien, pour savoir ce qu'il y aurait à poursuivre, améliorer ou laisser tomber.
Est-ce que le programme serait complètement abandonné?
N.J. : Je ne crois pas. Mais qu'est-ce qui va se passer? Ça, personne ne le sait non plus, et les rumeurs ne sont pas rassurantes. Clairement, l'heure est aux économies et on sait déjà que les budgets ne seront pas augmentés. La situation est sérieuse. Début mars, la Commission devrait présenter son projet de budget. A ce moment, on devrait en savoir plus sur l'avenir de Media. La Berlinale a réunit beaucoup d'acteurs du milieu du cinéma : utiliser cet événement pour manifester nous a permis de nous faire un peu plus entendre, et de faire pression.
Qu'est-ce qu'apporte Media concrètement? Comment ça marche?
N.J. : C'est un soutien qui vient compléter le nôtre – dans la production des films, la formation continue des professionnels, mais aussi la distribution. Par exemple, la FFA soutient la distribution des films allemands en Allemagne, mais pas celle des films d'autres pays européens dans le pays. Media intervient là où nous ne pouvons intervenir, puisque nous travaillons au niveau national. C'est donc un soutien indispensable, complémentaire, qui permet d'assurer la diversité dans le paysage cinématographique.