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Scandale Guttenberg: démission du Ministre plagiaire

lundi, 28 février, 2011 - 10:08

Karl-Theodor zu Guttenberg, ministre de la Défense allemand, enfant chéri de la coalition CSU/CDU était dans la tourmente depuis les révélations de plagiat concernant sa thèse d’université. Après une semaine de tapage médiatique, il avait renoncé à son titre de Docteur en droit, mais la question de sa place au gouvernement avait enclenché un bras de fer médiatique qui s'est soldé aujourd'hui par sa démission.

Le très glamour ministre de la Défense, Karl Theodor zu Guttenberg avait jusqu’ici en Allemagne une côte de popularité rarement égalée à son ministère : dans les tuyaux, une réforme d’une ampleur précédent, pour transformer la Bundeswehr en armée de métier; à ses côtés, sa femme, la blonde comtesse Stéphanie von Bismarck-Schönhausen, descendante en ligne directe du père de l’unité allemande, engagée dans un combat contre la pédophilie et ses manifestations sur internet; et des racines familiales qui se perdent dans la vieille noblesse de Franconie…

Un ministre très médiatique

Karl Theodor zu Guttenberg, c’était presque une marque de fabrique, un style en rupture avec les caciques de la CDU, mais porteur de leurs espoirs : le Baron était l’un des mieux placés pour la succession d’Angela Merkel à la tête du gouvernement fédéral… Avec un savant dosage de reportages photo, en treillis, en t-shirt à un concert de rock, en pleine réflexion derrière son ordi dans un jet de l’armée de l’air. Celui que l’on surnommait le Ministre Top Gun était largement relayé par les médias, non sans parfois une pointe de sarcasme au regard de sa coiffure toujours impeccable, même dans les vents de Mazar-i-Sharif…

Pourtant, c’est une affaire de plagiat peu glorieuse qui a fait chavirer son ministère. Sa thèse de doctorat intitulée "Constitution et traités constitutionnels les étapes du développement constitutionnel en Europe et aux Etats-Unis" et délivrée summa cum laude par l’Université de Bayreuth aurait été en partie plagiée : 270 pages sont suspectées d'emprunts illégitimes et non sourcés, soit 70% de son texte. Des internautes indignés ont créé un wiki pour recenser les éléments de plagiats. Face à l’évidence, il a renoncé le 21 février dernier à son titre de docteur en droit, pour "faute grave" et s’est excusé auprès des personnes qu’il "aurait pu blesser".

Un titre sacré en Allemagne

Mais les Allemands sont sourcilleux sur les fonctions officielles. Alors qu’en France, un homme politique peut continuer d’exercer le pouvoir avec une batterie de casseroles avant d'être remercié, rappelons qu’en Allemagne, les ministres ont la démission facile. Le prinicpe de transparence y est en effet pris très au sérieux. Le fait d’être irréprochable est perçu comme une garantie d’indépendance: on considère que la moindre incartade entraine une perte de crédibilité qui les empêche de jouer effectivement leur rôle d’opposition.

Les démissions pour ce que les Français prendraient pour des bagatelles s’enchaînent Outre-rhin: le président Horst Köhler pour avoir insinué que les opérations militaires allemandes en Afghanistan pouvaient aussi sécuriser des marchés, Margot Käßmann, première femme évêque élue à la tête de l’Eglise luthérienne d’Allemagne pour avoir brûlé une feu rouge en état d’ébriété, et un an auparavant, en 2009, Ulla Schmidt, ministre de la Santé, pour avoir utilisé sa Mercedes de fonction sur son lieu de vacances à Alicante. Jusqu’au prédécesseur de zu Guttenberg à la Défense, Franz Josef Jung, qui s’est retiré suite à la bavure militaire de Kundunz en octobre 2009. Dans un pays où le titre de docteur est sacré, le Baron plagiaire avait en effet du souci à se faire.

L'opposition demande sa tête

Autant dire que l’opposition exigeait la démission de celui qu’on appelle "le Baron du copié-collé" ou "le Baron von Googlesberg". Tous les journaux d'opposition ont gardé cette affaire en "Une" jusqu’à cette semaine. De même les universités allemandes s’indignaient de telles pratiques: le professeur de droit Oliver Lepsius, également à l’université de Bayreuth déclare "Le ministre souffre d’une perte de contact avec la réalité: il compile systématiquement et suivant un plan des plagiats, et prétend ne pas savoir ce qu’il fait. Pour moi, c’est dans cette fausseté que se trouve la dimension politique de l’affaire". De même, les Hochschule (universités) allemandes condamnent publiquement un mépris du travail de recherche et de la connaissance.

Droit à l'erreur pour le gouvernement

Même si la chancelière avait renouvelé sa confiance à Karl Theodor zu Guttenberg, rappelant qu’elle l’avait choisi comme ministre, et non comme assistant de recherche universitaire, cette affaire a éclaté dans un contexte peu propice à la CDU, déjà fragilisée par un score piteux aux élections de Hambourg. Néanmoins, la ministre de l'Education et de la recherche d'Allemagne, Annette Schavan, reconnaissait lundi dans la Süddeutsche Zeitung que le retrait du titre de Docteur est justifié, estimant que l'affaire n'était pas une "bagatelle" mais que son collègue n'en méritait pas moins une seconde chance.

Contrairement à la ministre française des affaires étrangères lâchée par le gouvernement en pleine tourmente, le ministre allemand de la Défense pouvait compter sur le soutien de son exécutif. Une différence de poids qui lui a valu certainement de rester en poste malgré la tempête médiatique. Il ne faut cependant pas oublier que la portée des mensonges n'est pas la même.

Appui insuffisant de Springer

Pourtant, Karl Theodor zu Guttenberg pouvait compter sur un appui puissant pour redonner son blason : Kai Diekmann, le rédacteur en chef de Bild, du très puissant groupe médiatique Springer. Unis par une même passion de la coiffure gominée look humide, les deux hommes partagent plus qu’un simple goût de l’image: la Bundeswehr prévoit pour avril prochain une campagne de publicité pour l’armée de métier et un contrat a été conlu avec un seul support de presse: Bild, Bild am Sonntag et bild.de. La Bild est réputée "faire" les chanceliers allemands. Et selon ses sondages, 87% des Allemands continuaient de soutenir zu Guttenberg.

C'est pourtant bien Bild qui a annoncé avant tout le monde dans un communiqué que le Baron allait tenir une conférence de presse pour annoncer sa démission.

"Comme tout le monde, il faut que j'assume mes erreurs" a-t-il déclaré devant les journalistes.

Reconnaissant ses fautes, l'ex-ministre a tiré les leçons de ses manquements estimant qu'il n'était plus en mesure de pouvoir assumer ses fonctions ministérielles.

Article actualisé le 1er mars à 11h30




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