Bienvenue en Helvétie, le pays qui a aboli le chômage. Les entreprises cherchent, en vain, à recruter dans un pays ou le chômage est quasi inexistant. Tous les secteurs sont en panne de main d'œuvre: banques, mais aussi, bâtiment, SSII, chimie, technologies de l'information…
Plusieurs dizaines de milliers de salariés qualifiés manquent à l’appel des entreprises helvétiques pour faire face à leurs besoins, selon l’Office fédéral de la statistique. "Un mal plus sournois que la force du franc pourrait mettre sous pression l’économie suisse", note le quotidien Le Temps. "Des entreprises doivent renoncer à des contrats ou des mandats étant donné qu’elles souffrent déjà d’une surcharge de travail. Partout, les heures supplémentaires s’accumulent dangereusement", détaille Mario Marti, directeur de l’Union suisse des sociétés d’ingénieurs-conseils (USIC), cité par le quotidien.
Des perspectives inquiétantes au moment où les indicateurs macro-économiques sont tous passés au vert. Le crédit suisse vient de relever ses prévisions de croissance : avec 1,9 % et des exportations en hausse de 3,5 % en 2011, le chômage de 3,9 % en 2010 devrait lui aussi être en fort recul, diminuant encore les marges de manœuvres des employeurs helvètes.
Financiers et ingénieurs font défaut
Premières à s’inquiéter des tensions actuelles, les banques ne parviennent pas à combler leurs besoins, notamment dans le domaine de la banque privée ou des fonctions liées à la régulation des marchés. Certaines commencent d’ailleurs à envisager de recruter des vendeurs de voitures pour promouvoir auprès de leurs clients leurs produits financiers, tablant sur leurs compétences relationnelles…
Mais, preuve de la diversification de l’économie suisse depuis plusieurs années, la banque n'est pas le seul secteur en panne de recrutements. Celui des technologies de l’information et de la communication se plaint aussi des difficultés de recrutement : 32 000 postes resteront vacants en 2017, malgré les rémunérations attractives proposées aux candidats. Dans le domaine de la microtechnique, ce sont 27 000 salariés qui feront défaut en 2025 quand l'Union des ingénieurs-conseils déplore les 3 000 à 6 000 emplois d’ingénieurs qui n’étaient déjà pas pourvus en 2010.
Main-d’œuvre étrangère…
Les secteurs recrutant des personnes moins qualifiées ne sont pas en reste. Dans le BTP, la pénurie de main-d’œuvre est générale : chefs de chantiers, contremaîtres mais aussi grutiers ou machinistes, sont devenus une denrée rare. Signe inquiétant: les entreprises proposant des places en apprentissage aux jeunes n’arrivent pas à faire le plein.
A l’image du secteur du machinisme dont 7 % des places proposées l’année dernière n’ont pas trouvé preneur. Même surchauffe dans le secteur des transports où il manque entre 15 000 et 25 000 chauffeurs poids lourds pour accompagner la croissance du trafic due à la reprise.
… et xénophobie rampante
Compte tenu de ces tensions, les experts unanimes estiment que seul le recours à la main-d’œuvre étrangère permettra à la Suisse de faire face à ses besoins. La chasse aux talents a d’ailleurs déjà commencé de l’autre côté des Alpes. Une bonne nouvelle pour tous les demandeurs d’emplois candidats à l'expatriation en Helvétie. Du moins pour les Européens considérés comme des "bons immigrés" pour la plupart acceptables!
Car la Suisse devra surmonter une contradiction flagrante entre ce besoin d'immigration et la xénophobie qui reste rampante dans le pays. Les Suisses ont voté en novembre dernier par référendum en faveur d'une proposition de l'Union démocratique du Centre (droite extrême) d'expulser du pays tout immigrant reconnu coupable de crime, quelle que soit sa gravité. Quant aux libéraux-radicaux (droite libérale), ils viennent de proposer de restreindre le regroupement familial et limiter l’immigration des non-Européens.