C'est aujourd'hui la Saint Patrick. La fête nationale irlandaise est célébrée par les Irlandais du monde entier, mais pas toujours dans les villes loyalistes et protestantes d'Irlande du Nord. Cette année, l'évènement est aussi terni par la crise économique qui frappe le pays et occupe les esprits.
La Saint Patrick, c'est aujourd'hui. Des plus grandes villes irlandaises aux petits bourgs du centre du pays, des parades et des festivités s'organisent en l'honneur du premier évêque et saint-patron des Irlandais. Mais dans les esprits, c’est plutôt la crise économique que connaissent les Irlandais qui domine.
Une lettre à Saint Patrick
Depuis une semaine, la Saint Patrick fait les gros titres de plusieurs journaux irlandais, tant l'évènement est attendu. Le Irish Times, principal quotidien national, a même été jusqu'à demander à des intellectuels irlandais (professeurs d'université, éditorialistes, éditeurs) d'écrire une lettre à Saint-Patrick, comme on écrirait une lettre au Père Noël.
Que cela concerne la crise, la croissance ou le nouveau gouvernement, tous appellent le saint l'aide. Comme Maureen Gaffney, professeur adjointe de psychologie au University College de Dublin.
Cher Saint Patrick, tu as déjà sauvé une fois cette nation de l’esclavage. Je t’écris pour te demander si tu pouvais songer à nous tirer d’affaire une nouvelle fois.
Même constat d’impuissance pour Diarmaid Ferriter, professeur d’Histoire moderne irlandaise à la même université dublinoise:
Cher Saint Patrick. Nous, Irlandais, devons recommencer à zéro une nouvelle fois, et en cette période de l’année où nous rendons hommage à ton influence et ton héritage, peut-être serais-tu assez gentil pour intervenir et nous replacer dans le droit chemin.
Un fatalisme que rien n’ébranle
L’Irish Times a également demandé à ses correspondants à l’étranger quelle était la vision de l’Irlande dans le pays dans lequel ils se trouvaient. Et les échos sont bien différents en fonction d’où on se place. Pour les Britanniques, les Irlandais n’avaient pas particulièrement une bonne image jusqu’à ce que la crise change leur perception de ces Celtes voisins. Mark Hennessy rapporte ainsi :
Tout au long de la crise, la décision des Irlandais de ne pas se révolter à la manière des Français ou des Grecs a été vue, dans les médias britanniques et au sein de l’opinion publique, comme l’illustration d’un extraordinaire, quoique déroutant, degré de pragmatisme, mais aussi, peut être, comme la preuve d’un fatalisme celte que rien n’ébranle.
En Allemagne, c’est une véritable passion pour l’Irlande que le correspondant Derek Scally décrit. La crise est certes dans toutes les têtes, mais les Allemands semblent vouloir aider les Irlandais à dépasser ces moments difficiles:
Finance ? L’Irlande a besoin de romance",
titrait le Frankfurter Allgemeine la semaine dernière.
Humeur "noire comme la Guiness"
La France ne s’intéresse pas vraiment à l’Irlande en temps normal, remarque le correspondant à Paris Ruadhan Mac Cormaic. Mais le contexte économique récent a contribué à augmenter la couverture du pays dans les journaux, certes toujours plus portée par des images marquantes que par une véritable explication des enjeux.
Plus ou moins régulièrement, le public français a été tenu au courant sur l’évolution de la politique irlandaise (invariablement "complexe"), la bulle [financière] ("éclatée"), l’humeur ("aussi noire que la Guinness") en même temps que de vibrantes histoires sur l’émigration et la détresse des Irlandais.
Un événement mondial…
Depuis le début de la semaine, toute la ville de Dublin s'est parée de vert. Les drapeaux irlandais bordent la Liffey, les vitrines des pubs et des commerçants affichent les couleurs et les emblèmes de l'Irlande: le leprechaun et le trèfle. A Dublin, c'est avec une parade sur O'Connell Street, une des plus grandes avenues de la ville, qu'ont débuté les festivités "officielles" ce matin.
On se prépare à fêter le saint patron des Irlandais dans bien d'autres villes du monde. A New-York, c'est sur la 5ème avenue qu'une parade a lieu tous les ans. La Saint Patrick est le deuxième plus grand événement populaire après l'Independence Day. Au Canada, ce jour est férié dans certaines provinces.
Australie, Nouvelle-Zélande, tous les pays où les Irlandais ont émigré en masse au long de leur histoire fêtent la Saint Patrick au même titre que les habitants de la République. Des pays plus inattendus se préparent aussi à fêter le saint patron irlandais, comme le Brésil, la Corée du Sud ou encore l'Argentine.
… qui divise encore l'Irlande
Il est parfois plus simple de célébrer la fête nationale irlandaise à des milliers de kilomètres. En Irlande du Nord, si la Saint Patrick a droit de cité à Belfast et Newry, où des défilés et des soirées sont prévues, c'est plus compliqué dans d'autres villes loyalistes et protestantes.
L'année dernière, dans la petite ville de Stoneyford, une fanfare unioniste a défilé dans les rues, comme pour contrer toute célébration de cette fête catholique et républicaine à la fois.