Alors que le nombre de seniors fréquentant les universités ne cesse de croître en Allemagne, le pays envisage de prendre des mesures pour limiter leur accès aux amphis afin de désamorcer un éventuel conflit intergénérationnel. Une menace prise également au sérieux en France où se multiplient des universités dédiées aux plus de 55 ans…
Avec une croissance de 13,6 % en 2010 par rapport à l’année précédente, le nombre de seniors allemands qui fréquentent les universités a atteint un record historique : ils seraient ainsi près de 42 000 outre Rhin à avoir repris le chemin de la fac, selon un article publié par le Spiegel on line.
Le phénomène n’est pas que germanique : en France, les plus de 55 ans inscrits dans les universités représenteraient quelque 1 % de la population estudiantine, soit quelque 23 000 personnes. Il n’existe pas de statistiques fines pour quantifier ce phénomène mais selon une étude réalisée par l’Université de Provence en 2007, la proportion de seniors inscrits dans l’établissement aurait progressé de près d’un tiers en l’espace de cinq ans. Et loin de se contenter du seul statut d’auditeurs libres, un tiers d’entre eux fréquenteraient les 3e cycles et parmi ces derniers, plus de 60 % seraient inscrits en doctorat.
Les tempes grises aux premiers rangs
Cette tendance en France comme en Allemagne s’explique par de nombreux facteurs : reprendre des cours est souvent considéré comme un moyen d’entretenir ses neurones, de rester en relation avec le monde des actifs, voire une occupation évitant de s’ennuyer à la maison. Mais l’ampleur du phénomène pose de sérieuses questions, comme le souligne l’article du Spiegel : des tensions commencent à apparaître avec les étudiants dans un contexte où le nombre de places est limité alors que parallèlement les candidats n’ont jamais été aussi nombreux, une fois leur Abitur (équivalent du bac) en proche, à vouloir intégrer l’université.
De plus, des professeurs d’université cités dans l’article expliquent que parfois les seniors ont tendance à monopoliser la parole ou à se lancer dans des conversations parallèles qui troublent les cours et indisposent les plus jeunes. Le feu couve dans les amphis où les seniors, qui en plus arrivent régulièrement avec une demi-heure d’avance aux cours, squattent les premiers rangs…
Séléctionner
Face à ce problème, les universités allemandes cherchent aujourd’hui la réplique : A la LMU (Université Ludwig Maximilian) de Munich, les travaux dirigés et les séminaires sont fermés aux seniors. A Bonn, leur participation à des cours est conditionnée à l’avis des enseignants. En Rhénanie du Nord Westphalie, une nouvelle loi vient d’ailleurs de rentrer en vigueur, imposant aux seniors de remplir un dossier de candidature complet pour décrocher une place. Sous réserve toutefois que toutes ne soient pas déjà toutes prises par des étudiants réguliers. Nombreuses universités s’apprêtent au-delà à lancer des cours spécifiques réservés aux seniors. De Münster à LMU, des plans sont déjà dans les cartons tandis que Bonn envisage de créer une "université citoyenne".
Des établissements pour les seniors
En France aussi le nombre de places accordées aux seniors a été réglementé. Les auditeurs libres doivent par exemple remplir un dossier d’inscription complet et la réponse positive à leur candidature n’est donnée que si il reste des places disponibles. Dans de nombreuses universités, comme par exemple à Paris I Panthéon-Sorbonne, ils ne peuvent participer qu’aux cours magistraux donnés aux étudiants inscrits en Licence ou dans la première année de master.
Le système universitaire hexagonal a par ailleurs créé des "soupapes de sécurité" : réservé à la recherche, le Collège de France, est ainsi devenu une institution particulièrement fréquentée par les seniors. Ils représentent 83 % des auditeurs… Ce qui ne va pas d’ailleurs sans créer problème pour l’établissement qui vient de lancer des podcasts reprenant ses cours afin de rajeunir son public et rééquilibrer la pyramide des âges.
En outre, il existe des structures universitaires dédiées aux Seniors, à l’image des 45 "universités du temps libre" présentes dans toute la France dont la première a été créée à Toulouse en 1973. La discrimination serait-elle un antidote aux conflits des générations ?