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Trente ans et toujours chez papa et maman

mercredi, 23 mars, 2011 - 12:15

Près de la moitié des hommes italiens entre 25 et 34 ans vivaient encore leurs parents en 2008. Le même phénomène "Tanguy", qui s'est aggravé avec la crise économique et sociale, touche de plein fouet la génération des "Millenials", en particulier dans les pays d'Europe du Sud et de l'Est.

Rester à la maison jusqu’à 30 ans passés, sur le divan entre maman et papa, un scénario comique à la Tanguy ? Ou un des effet pervers d’une crise économique et sociale profonde qui frappe la génération des "Millenials" européens – la génération des jeunes qui avaient 18 ans en l’an 2000 et sont trentenaires aujourd’hui ?

Les "bamboccioni" italiens

L'Istituto per lo Sviluppo della Formazione Professionale dei Lavoratori (Isfol) a analysé les données Eurostat pour l’année 2008. Son étude intitulée "les millenials et le travail", parue cette semaine, a relancé le débat sur les "bamboccioni", ces jeunes qui passé 30 ans, sont encore chez papa et maman. Le terme – contraction de "bambino" (enfant) et "fannullone" (bon à rien) – avait déjà fait fureur après son usage en 2008 par Renato Brunetta, alors Ministre de l’administration publique.

Et, le phénomène est impressionnant: en 2008, près de la moitié (47,7%) des hommes italiens de 25 à 34 ans vivaient encore chez leurs parents. Même si les femmes s’en sortent nettement mieux (32,7%), l’Italie des bamboccioni est classée parmi les premiers pays dans le monde pour ce phénomène. En Europe, elle n’est détrônée que par la Grèce et la Slovénie.

Grande disparité européenne

Au niveau européen, les chiffres varient considérablement du Nord au Sud et d'Est en Ouest. En 2007, l’âge moyen de sortie du foyer familial était de 23,1 ans en Finlande et 24,2 ans en France et aux Pays-Bas contre 31,5 ans en Bulgarie, Slovénie et Slovaquie.

Afficher L'émancipation des jeunes européens sur une carte plus grande – Florian Tixier / MyEurop

Pour les femmes, la moyenne se maintient en dessous de 30 ans dans tous les Etats membres, mais là aussi les disparités restent  fortes: 22 ans en Finlande, 23 ans en France et Hollande contre 29,8 ans en Slovaquie, 29,6 ans en Slovénie et 29,5 ans en Italie.

Crise de l'emploi

L'étude réalisée par Monya Ferritti pour l’Isfpol précise les facteurs qui conduisent les jeunes italiens à ne quitter que très tardivement le nid familial. Le premier est évidemment lié à la crise de l’emploi: faisant leur entrée tardivement sur le marché du travail, les jeunes italiens peinent à acquérir une véritable indépendance économique. Sans indépendance, il devient difficile de louer ou d’acheter une maison.

Conséquence de cet "effet domino", les jeunes qui restent à la maison ont également tendance à prolonger leurs études. Or, les diplômés, toujours plus nombreux, n’acceptent pas n’importe quel travail. Sur dix jeunes âgés de 18 à 29 ans, quatre ont déclaré avoir déjà refusé un emploi, parce qu’il ne correspondait pas à leur attentes en termes de salaire ou de qualifications. De plus, un sur trois n’est pas prêt à changer de région pour trouver un travail. 

La famille, "amortisseur social" du sud de l’Europe

Dans tous ces cas de figure, explique Ferritti, la famille représente encore "un amortisseur social". Une tendance que l'on note également au Royaume-Uni où on lit, depuis la crise économique, une baisse des jeunes gens qui vont vivre seuls. Grèce et Espagne partagent, en peut être un peu moins spectaculaire, le sort de l’Italie. En Espagne, près de 40% des jeunes de moins de 25 ans sont au chômage, et lorsqu’on a moins de 35 ans, on a 30% de risque de plus que les travailleurs plus âgés de perdre son travail, selon l'Observatorio Laboral de la Crisis. Peur de la précarité et usage massif des CDD sont les principaux facteurs qui poussent les jeunes espagnols à rester à la maison.

Le nombre de jeunes vivant chez leurs parents en Belgique est proche des chiffres allemands, français ou néerlandais. En Belgique, où le prix des loyers n’est pas rébarbatif comme dans les capitales italiennes et anglaises, les chiffres sont très faibles : 14% seulement des 25-34 vivent chez papa-maman. Le prix des loyers fort raisonnables est doublé d’une grande culture de la collocation, dans les "kots".

Allemagne: "parents hélicoptères" et "enfants boomerangs"

Le quotidien Die Zeit décrivait cette semaine les parents des Millenials comme des parents "hélicoptères", qui patrouillent au dessus de leurs chères têtes blondes, prêts à atterrir en cas de besoin. En retour, leur progéniture, les "enfants boomerangs", ne partent jamais vraiment. A la moindre incertitude professionnelle, ils reviennent s'installer, au moins provisoirement, chez leurs parents. On les appelle aussi les "oiseaux nidicoles", parce qu'ils peinent à quitter le nid. A 30 ans, 12,5% des hommes allemands sont toujours à l'Hôtel Maman contre seulement 5% des Allemandes. Entre 25 et 34 ans, 18,7% des hommes vivent chez leurs parents, mais seulement 9,2% des jeunes femmes.

Les Européennes s’en sortent mieux

Cette différence confondante entre hommes et femmes est parfaitement partagée: les Européennes, c’est clair, s’en sortent nettement mieux que leurs frères européens. La sociologue italienne Chiara Saraceno explique:

les femmes se marient certes plus jeunes et avec des hommes plus âgés, mais il faut dire surtout que pour les femmes partir de la maison est un facteur d’émancipation plus fort que pour les hommes.

Les garçons sont en effet plus choyés par la famille alors qu’on attend beaucoup plus des filles :

En Italie, en particulier, il existe une très forte différence par rapport à ce qu’on attend d’eux: le garçon peut sortir quand il veut, rentrer quand il veut, et il n’est pas tenu de faire son lit.

Les "NEET", génération sacrifiée

Le phénomène le plus inquiétant révélé par cette photographie des jeunes européens est la montée en puissante des NEET (Not in Education, Employment or Training). Il s’agit d’une génération de jeunes qui ne sont ni employés ni étudiants et déclarent ne pas chercher un emploi: "Avec 21 % de NEET entre 15 et 29 ans en Italie, ils sont en train d’émerger en force dans notre pays". L’Italie n’étant dépassée dans ce cas que par la Turquie. Sortir de cette condition est, de plus, "beaucoup plus difficile que dans d’autres pays et peut durer aussi beaucoup plus longtemps".

Une des conséquences les plus catastrophiques pour cette génération italienne sacrifiée est la pression exercée sur le taux de natalité, parmi les plus bas d’Europe. Avec 1,2 enfant par famille, le vieillissement de la population italienne n’a pas que des conséquences économiques : "il réduit aussi l’enthousiasme, la créativité, la passion et l’intuition que les jeunes de notre temps pourraient offrir à notre société", conclut Ferritti.




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