Un an après la crise financière grecque, la nouvelle architecture de la zone euro prend forme, petit à petit. Les dirigeants européens ont notamment validé un "mécanisme permanent de stabilité". Il permettra de voler au secours des pays ne parvenant plus à emprunter à des taux raisonnables sur les marchés.
Lorsque la Grèce était à deux doigts de s'effondrer sous le poids de sa dette au printemps dernier, nombres d'experts pointaient du doigt le manque de coordination et solidarité au sein de la zone euro, autant de lacunes qui menaçaient directement sa survie. En effet, des pays partageant la même monnaie ne peuvent avoir des politiques économiques radicalement opposées sans risque, la faillite de l'un risquant d'entraîner celle des autres.
Depuis lors, au fil des sommets européens, les chefs d'État et de gouvernement se sont progressivement mis d'accord autour d'une série de nouveaux outils en vue de stabiliser la zone euro et empêcher toute nouvelle attaque des marchés sur un pays en difficultés.
Un Fonds européen de stabilité financière
A l'origine était le Fonds de sauvegarde européen. Mis sur pied dans l'urgence pour sauver la Grèce de la faillite, il existe toujours et a permis à l'automne dernier de venir en aide à l'Irlande, elle aussi menacée par son déficit abyssal (en raison du sauvetage de ses banques).
Toutefois, ses bases juridiques sont très incertaines. Pour éviter une possible invalidation par la Cour constitutionnelle d'un pays membre (au hasard, l'Allemagne), les 27 ont décidé de créer une nouvelle structure dotée de 700 milliards d'euros et nommée "mécanisme européen de stabilité". Il pourra prêter jusqu'à 500 milliards.
Sur la forme, les chefs d'États de l'eurozone sont d'accord. Reste à régler le fond et les détails comme le montant de la participation de chacun ou l'échelonnement des paiements. Alors qu'un consensus semblait avoir été dégagé lors d'une réunion préparatoire lundi 21 mars, la chancelière allemande a réouvert les négociations lors du Conseil européen des 24 et 25 mars à Bruxelles, ne manquant pas de créer des tensions entre les délégations.
Les réunions entre experts ont duré jusqu'au petit matin. Berlin a ainsi obtenu un étalement du paiement de sa part, pour éviter un trop grand déséquilibre de son budget. De son côté, la France devrait apporter 20,386% du capital du mécanisme européen de stabilité qui rentrera en vigueur en 2013.
Le "semestre européen":un grand oral pour le budget des Etats
Si la Grèce et l'Irlande ont eu besoin de recourir à l'aide européenne, c'est en raison du poids de la dette et/ou de déficits budgétaires colossaux. Pour éviter que cela ne se répète, le Conseil européen s'est mis d'accord pour la mise en place d'un "semestre européen" en vue de rendre viable sur le long terme les finances des 27.
La principale mesure et la plus forte sur le plan symbolique est la nécessité pour chaque pays de présenter à la Commission européenne et aux États membres son projet de budget pour l'année à venir. Et un pays de la zone qui ne respecterait pas de façon répétée les nouvelles normes budgétaires européennes pourrait se voir infliger des sanctions allant jusqu'à 0,2% de son PIB.
Un "Pacte pour l'euro": harmoniser les politiques économiques
Autre point fort devant permettre le renforcement de la cohérence de la zone euro, le "pacte pour l'euro", prôné depuis début 2011 par la France et l'Allemagne.
Concernant les pays utilisant la monnaie unique, il s'agit d'engager un certain nombre de réformes internes permettant une plus grande harmonisation et un rapprochement des politiques économiques. Nommé "Pacte Euro Plus", ses domaines de convergence concernent en particulier les retraites, le marché du travail, l'indexation des salaires.
Les réformes seront progressives et les chefs d'État et de gouvernement chercheront à identifier les "meilleures pratiques" déjà existantes, tout en laissant une marge de manœuvre à chaque pays en raison de ses spécificités.
En plus des 17 pays de la zone euro, d'autres ont décidé de se joindre à l'initiative: Bulgarie, Danemark, Lettonie, Lituanie, Pologne et Roumanie.
Un "parapluie financier" pour le Portugal
De son côté, le Portugal traverse une crise politique avec la chute du gouvernement de José Socrates, après le rejet par le Parlement de son plan d'austérité et alors que le pays connait déjà de graves difficultés financières. La réaction des marchés fut quasi immédiate avec la dégradation de deux crans de sa note par l'agence Standard & Poor's.
Il est craint que le Portugal ne se retrouve dans une situation identique à celle de l'Irlande ou de la Grèce, avec une envolée de ses taux d'intérêts, nécessitant une intervention européenne. Pour le moment, Lisbonne n'a encore fait aucune demande formelle.
Toutefois, le Premier ministre luxembourgeois et chef de l'eurozone, Jean-Claude Juncker a déclaré que
si le Portugal devait nous demander de l'aide, et je n'ai aucune raison de penser que cela va se produire, le parapluie financier que nous avons mis en place suffira.
Des élections devraient être organisées sous deux mois, en espérant que d'ici là, les marchés financiers restent calmes, convaincus par les mesures prises par les dirigeants européens. Rien n'est moins sûr.