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Wikileaks: pots-de-vin en Italie sur l’atome

vendredi, 25 mars, 2011 - 15:32

Silvio Berlusconi voulait relancer la contruction de centrales. Des câbles diplomatiques révélés par WikiLeaks révèlent que pour s'emparer du marché italien, Américains, Français et Russes n'ont pas lésiné sur les pots-de-vin et autres tentatives de corruption, quitte à rogner sur les normes de sécurité.

Depuis le référendum de 1987 sur l'avenir du nucléaire qui avait vu le "oui" à la fermeture de ses centrales l’emporter à 80%, l'Italie a abandonné l'atome. Des câbles Wikileaks publiés cette semaine par l’Espresso soulignent l’enjeu financier mirobolant derrière la décision du gouvernement Berlusconi de reprendre la construction de nouvelles centrales nucléaires. Et révèlent que Français et Américains étaient prêts à tout pour s’emparer du marché.

Un marché de 24 milliards d’euros

La lecture de plus de 4000 câbles de l’ambassade américaine à Rome, disponibles sur Wikileaks et publiés le 18 mars en exclusivité par l’Espresso, dévoilent les rouages secrets de ce fructueux business.

A travers la correspondance de l’Ambassade américaine à Rome, on plonge ainsi  dans le monde impitoyable du commerce où la "compétition entre Etats est plus forte encore qu’entre entreprises" explique l’Espresso. L’enjeu est ici d’au moins 24 milliards d’euros.

Pressions américaines

Première confirmation apportée par les câbles secrets : dès 2005, lorsque l’Italie commence à se montrer intéressée par un retour au nucléaire, les Etats-Unis voient immédiatement une opportunité pour pousser le pays à sortir de la dépendance énergétique du gaz russe, ce qui inquiète particulièrement l’administration américaine.

Lobbying français de haut niveau

Mais voilà, la concurrence européenne est rude et le conseiller note dans un câble de 2009 que Français, Anglais et Russes se livrent "à un lobbying de haut niveau". Les entrevues avec Daniele Mancini, conseiller diplomatique du ministre Claudio Scajola, ministre du développement économique italien, "suggèrent que les Français et les Russes manœuvrent déjà et font du lobbying pour les contrats".

En février 2009,  Sarkozy et Berlusconi signent l’accord qui commande à Areva la construction de quatre réacteurs sur le modèle EPR en Italie. Lorsque le "Monsieur énergie" d’Obama, Steven Chu, arrive à Rome trois mois plus tard, l’ambassade le met en garde.  Elle indique que "la forte pression exercée par les français, […] comprend peut être des pots de vins ("corruption payment") à des fonctionnaires du gouvernement italien". Ces tractations aboutissent à la création du consortium italo-français, à 50-50 entre Enel et Edf.

Un ministre au coeur du scandale

Dans la guerre économique que les Etats-Unis sont en train de perdre contre la France, l’ambassadeur américain Thorne continue de lutter et écrit:

Nous avons su que Scajola a une autre raison pour nous appuyer".

Et pour cause : l’accord avec les Français exclu un certain nombres d’entreprises, dont Ansaldo Nucleare, qui a son siège en Ligurie, la région de Scajola. Si l’entreprise américaine Westinghouse obtient sa part, le ministre pourra lui aussi en bénéficier, explique l’ambassadeur. Scajola a d'ores et déjà été invité à visiter les usines lors d’un véritable tour des Etats-Unis en 2009.

Suite à sa visite outre-Atlantrique, le ministre italien signe deux accords de coopération avec les firmes américaines. Les Américains réussissent également à convaincre l’Italie d’abandonner les critères de sécurité européens pour ceux, plus lâches, de l’OCDE. Le responsable de l’Ambassade est soulagé.

Les Français ne sont plus les seuls protagonistes [the only game in town]. Le réacteur AP1000 de la Westinghouse est devenu une forte concurrence pour les centrales nucléaires du consortium Enel-Edf”.

Au gran dam des intéressés, toutes ces négociations en coulisses, agrémentées de généreux pots-de-vin, risquent certainement de tomber à l'eau avec la remise en cause du nucléaire ces dernières semaines à la suite de la catastrophe de Fukushima.

Le gouvernement italien vient d'annoncer un moratoire d'un an sur le retour du nucléaire dans la péninsule et l'Italie pourrait même y renoncer si les tests de résistance des centrales européennes, prévus dans les prochains mois, n'étaient pas probants.


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