Nucléaire et élections: la France s’abstient, l’Allemagne débat
Le contraste entre la pauvreté du débat politique en France, focalisé sur des consignes de vote dont les électeurs n'ont que faire, et la richesse du débat en Allemagne lors des élections régionales partielles est saisissant. Outre-Rhin, les élections de dimanche ont porté sur des enjeux de société majeurs comme le nucléaire.
Coïncidence de calendrier, les élections cantonales françaises tombaient aux mêmes dates que les élections régionales en Allemagne (en Saxe-Anhalt, le 20 mars, en Bade-Wurtemberg et en Rhénanie-Palatinat, le 27 mars). Élections locales des deux côtés du Rhin, et pourtant enjeux diamétralement différents.
Quand la France s'échine sur une montée du FN et le taux d'abstention, l'Allemagne s'inscrit dans le contexte international en mettant en avant la question nucléaire et le refus d'intervenir en Libye.
Les enjeux de ces deux élections étaient, certes, différents: d'un côté, des élections cantonales, vouées à disparaître en 2014, pour renouveler des conseillers généraux avec un mandat réduit à 3 ans. De l'autre, des élections régionales primordiales pour la Chancelière allemande. Angela Merkel se retrouve d'ailleurs encore plus affaiblie au Bundesrat après avoir perdu le Land de Bade-Wurtemberg, fief historique de son parti.
Réponse électoraliste
En France, le score du Front National au 1er tour des cantonales (15% des suffrages exprimés) et le taux d'abstention de 55,63% ont polarisé le débat sur les consignes de vote pour le second tour. La montée du parti de Marine Le Pen a provoqué la discorde au sein de l'UMP, les responsables politiques du parti présidentiel, ayant finalement émis des disciplines de vote contradictoires.
A l'inverse, en Allemagne, avec l'échec du parti nationaliste allemand (NPD) lors des élections de Saxe-Anhalt le 20 mars dernier, la question nucléaire a été centrale lors de la campagne électorale après l'accident de la centrale Fukushima au Japon. Le moratoire décidé par Berlin le 14 mars, qui suspend le prolongement d'activité des centrales pour vérifier les conditions de sécurité, a été perçu comme une réponse électoraliste par l'opposition alors que deux centrales sont en activité dans le Bade-Wurtemberg, à Philippsburg et Neckarwesthin.
Privés de débat
Quoi qu'il en soit, cette décision a remis en avant la nécessité de ne pas suivre le mauvais exemple français afin de ne pas dépendre du nucléaire comme source principale d'énergie. Ceci alors que les 12 centrales et 17 réacteurs en activité produisent aujourd'hui à peu près le quart de la production d'électricité outre-Rhin. En France, seul Europe Ecologie/Les Verts (EELV) a abordé cette question lors des cantonales.
Pourtant, le cas de Fukusima est une opportunité pour débattre publiquement des enjeux du nucléaire en France, et pas seulement sur les questions de sécurité. Un sondage TNS-Sofres commandé par EDF affirme que la moitié des Français est contre l'arrêt du nucléaire en France, qui rentre en contradiction celui commandé par EELV, qui montre que 70% se déclarent favorables à une sortie du nucléaire. Sans rentrer dans la qualité relative de ces résultats, cela témoigne au moins d'un réel intérêt sur le sujet.
Les politiques, de droite comme de gauche, ont préféré priver les Français de ce débat lors des cantonales. C'est d'autant plus regrettable que nous vivons tous en France à moins de 250 kilomètres d'une des 12 centrales et 58 réacteurs disséminés sur le territoire (carte Myeurop). Une réflexion commune sur le nucléaire, lors d'élections locales, s'imposait donc. Mais le débat ne pourra pas être éternellement mis sous le boisseau.